dimanche 29 mai 2011

Swap @ Unil

Cette semaine une nouveauté est apparue sur le campus de l’Unil: la monnaie complémentaire Swap. Il existe plusieurs sortes de monnaies complémentaires: les monnaies virtuelles, utilisées dans les “mondes persistants” comme Second Life, les monnaies à logique lucrative, utilisées par exemple dans les programme de fidélisation comme les Miles et enfin les monnaies sociales, dont les Swaps font partie, qui ont comme but de réformer en profondeur le système économique actuel.
Grâce à la plateforme easyswap, chaque membre de la communauté universitaire peut créer un compte et effectuer des échanges de biens et services en les payant avec la monnaie sociale nommée Swap.


easyswap


Les nouveaux usagers ont un paquet initial de 100 swaps pour débuter leurs activités dans le réseau; cette monnaie ne peut pas être convertie en de l’argent réel et ne peut être échangée qu’avec d’autres membres du réseau en échange d’autres biens ou services. Le but de l’opération est de favoriser la durabilité des biens de consommation (“échanger est mieux que jeter”), de créer ou renforcer des liens de solidarité ou convivialité entre les membres de la communauté (puisque les échanges peuvent aussi être gratuits) et, finalement, de faire réfléchir sur la construction sociale de la valeur et de l’usage de l’argent dans le système économique actuel (pouvoir d’achat, spéculation, thésaurisation et taux d’intérêt, marché des devises). En somme: soutenabilité + convivialité + responsabilité.
La traduction française du mot anglais “swap” est “échange”, ou encore “troc”, qui s’adapte bien (du moins à première vue) au concept de la monnaie virtuelle. Cependant, le mot “swap” fait désormais partie aussi du vocabulaire français, grâce à la diffusion de l’instrument financier dérivé du même nom, permettant de distribuer le risque de certaines opérations spécifiques. Clairement, les Swaps de la plateforme easyswap se situent plutôt sur le versant “troc”, avec un avantage particulier. En effet ils permettent, comme toute monnaie, de servir d’intermédiaire dans les échanges et donc de dépasser le problème fondamental du troc (la difficulté de trouver deux volontés concordantes sur les biens à échanger).
Les Swaps ont donc en commun avec les monnaies réelles la fonction d’intermédiation dans les échanges, mais les deux autres fonctions principales de la monnaie (réserve de valeur et unité de compte) n’appartiennent pas complètement aux Swaps qui ne peuvent pas être stockés en quantité supérieure à 500 pour chaque utilisateur et qui ne servent pas vraiment pour indiquer la valeur reconnue d’un bien ou d’un service dans la communauté de swapeurs. A ce propos, on peut souligner que tout ajout d’annonce (offre de service, vente ou location) fait gagner des swaps à l’annonceur. Ceci est valable même si le “prix” fixé est égal à zéro swaps, ce qui implique que de quelque manière les swaps n’indiquent pas seulement la valeur des biens et services, mais aussi l’engagement dans la communauté (donc, conséquemment, l’adhésion aux valeurs exprimées par la communauté elle-même).
La création d’une monnaie ex-novo est en soi un argument intéressant, mais en plus une invention telle que le Swap renferme un défi de taille. En effet il s’agit non seulement d’une monnaie déconnectée des autres institutions réelles (gouvernement, banques etc.) qui normalement interviennent dans la vie monétaire, mais aussi d’un instrument sensé fonctionner selon les principes du libre marché, seulement grâce à l’auto-organisation des membres du réseau qui fixent le prix des transactions et sans presque aucun lien avec le “marché réel”.
Pour commencer à observer comment ce marché parallèle se serait organisé, je me suis donc inscrite et j’ai créé un profil sur la plateforme. La procédure est très simple et le graphisme rappelle celui des social networks; malgré cela, les fonctions de la plateforme sont limitées et tendent à réduire au maximum la partie virtuelle de l’interaction en faveur du monde réel.
Une fois le profil complété, je suis allée lire le mode de fonctionnement et puis fouiller parmi les annonces (qui, à l’heure actuelle, sont à peine 39), en me demandant comment les prix allaient être fixés et s’ils auraient eu un rapport avec les prix dans le monde réel (par exemple en francs suisses). Dans des nombreux cas, les monnaies complémentaires ont ou acquièrent une valeur égale à celle de la monnaie courante dans le pays où elles sont utilisées (1=1); tel est par exemple le cas du Dollar de Toronto. En consultant le guide en ligne de la plateforme easyswap, j’ai constaté que les prix pour les services devraient être fixés selon des tarifs qui suivent plus ou moins ceux courants en francs suisses (par exemple: “couture simple” ou “baby sitting” entre 0 et 20 swaps de l’heure; “ménage de fond” ou “cours de cuisine” entre 21 et 40 swaps de l’heure; “traductions complexes” ou “webdesign avancé” entre 41 et 64 swaps de l’heure); le prix des biens échangés, au contraire, peut être librement fixé. Le marché est donc déjà un peu structuré.
Malgré le fait que des règles de fonctionnement du système Swap et des échanges qui y ont lieu aient été, comme on a vu, plus ou moins établies, on constate que certains des usagers du système (à l’instant on compte 215 profils) ont un peu de mal à comprendre le but du jeu et sortir de la logique dominante. Ainsi, en lisant les annonces, il n’est pas rare de tomber sur des biens en vente ou location ou des services proposés en échange de véritable argent (chf).
Plusieurs explications de cela sont possibles: une utilisation de la plateforme comme simple “site d’annonces”, sans considération pour la dimension conviviale; une méfiance des usagers vis-à-vis des Swaps, puisque ils peuvent être utilisés seulement sur un circuit qui est récent et qui n’a pas d’avant-postes dans le monde réel (par exemple, aucun commerce n’accepte les swaps pour l’instant); un manque d’intérêt pour une monnaie sociale qui, comme nous avons vu, n’a pas les mêmes caractéristiques que les autres monnaies et pour les valeurs qu’elle véhicule.
Seul l’avenir et le développement des échanges en swap nous permettront de mieux connaitre le système et d’en saisir les autres avantages, problèmes ou potentialités. En attendant, voici un grand classique musical dédié non pas à la monnaie, mais à l’argent. Bonne route!


mercredi 25 mai 2011

Geopolis

Aujourd’hui il fait beau sur Lausanne. On pourrait penser: quoi de mieux, en ayant sa journée libre le mercredi, que d’aller au lac, au parc ou même à la piscine? Et bien, j’ai trouvé une chose plus intéressante à faire: aller visiter le bâtiment Geopolis, le nouveau bâtiment de l’Université de Lausanne qui, si tout va bien, abritera mon nouveau bureau d’ici une année.

Je me suis donc rendue sur place, à la ferme de la Mouline où le rendez-vous des visiteurs était fixe.

Image de carte

Après avoir rejoint le chantier (qui se trouve juste en haut de la ferme, sur un ancien site industriel), on a mis les casques et gilets règlementaires et nous avons commencé la visite.

A l’extérieur, le bâtiment n’a pas de véritables murs, mais des vitrées et des panneaux argentés et bronzés. Le design est moderne et contraste fortement avec le style de l’Idheap (juste en face) et des tours situés dans les environs.

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Pour l’instant la façade et la toiture ont été complétées sur la moitié du bâtiment. Une fois à l’intérieur, on est surpris par la luminosité des espaces et par l’isolation acoustique garantie par murs et vitrages (l’autoroute est juste à coté).

L’intérieur de ce bâtiment de 150m * 50m est loin d’être terminé: on distingue déjà certains éléments,  mais la plupart des installations sont encore à l’état brut.

Ainsi, au rez-de-chaussée  on aura une grande cantine capable de servir 600 à 900 repas par jour et des labos:

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Comme on peut le voir dans cette dernière image, tout le bâtiment s’articule autour d’une zone centrale, qui sépare deux ailes de la structure. Au rez, toutes les parois sont transparentes, donc la lumière arrive aussi bien depuis la toiture que depuis les cotés.

Au premier étage il y a des futures salles de cours, développées autour de zones centrales secondaires, qui devraient constituer des points informels de travail et de relax:

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Aux étages supérieurs il y a des futurs bureaux, séparés par des autres zones centrales secondaires ou “espaces non attribués”:

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Nous arrivons donc au coeur de la visite: les bureaux! Chacune des ailes du bâtiment est séparée en deux et occupée par une série de bureaux donnant sur l’extérieur du bâtiment et une autre donnant sur l’intérieur (c’est-à-dire su la zone centrale qu’on a vu plus haut).

Chaque bureau est chauffé au sol et équipé d’un régulateur individuel pour la température de l’air, rendu nécessaire par les différences importantes entre le réchauffement solaire de la partie sud et de la partie nord du bâtiment. Les grandes vitrées permettent d’illuminer les pièces et le potentiel “effet de serre” causé par la toiture centrale du bâtiment est compensé par le fait que cette toiture peut s’ouvrir à 50% pour faire changer l’air.

Voici donc à quoi ressemblent les installations de chauffage des pièces…

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…les bureaux donnant sur l’intérieur…

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…les couloirs séparant les bureaux de chaque aile, qui seront plus étroits et plus bas que sur la photo après l’installation du sol et du faux-plafond…

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…et le bureau-modèle (plus ou moins 8.5m*3.5m), donnant sur l’extérieur, avec son parquet et ses lampes! Joli, n’est-ce pas?

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Le panorama est aussi assez agréable, coté autoroute…

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…mais aussi, surtout, coté métro (à remarquer le métro sur la photo):

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Comme je l’ai déjà dit, le bâtiment est très lumineux aussi dans la partie centrale, en voici la preuve:

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La toiture partiellement vitrée vaut bien un détour. Elle sera ultérieurement isolée, recouverte de gravier et terre et végétalisée et à l’ouverture du bâtiment elle sera interdite au public.

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Le bâtiment sera terminé au début de l’été 2012 et occupé dès la rentrée 2012. Il sera entouré par un décor en harmonie avec le reste du quartier, il abritera aussi des lieux de détente (notamment le café Zelig) et la route qui passe juste à coté (rue de la Mouline, en face de la Ferme) sera fermée et transformée en zone piétonne.

Nous avons terminé la visite avec les caves, qui ne seront pas occupées par des grands crus mais par des stocks de matériel, des serveurs et, entre autre, des boilers monumentaux.

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Pour en savoir plus, je vous invite à regarder la vidéo illustrative réalisée par l’Unil ainsi que le site dédié au projet Geopolis.

Bonne route!

mercredi 18 mai 2011

Golem ou juggernaut?


Finalement, les sardes ont voté contre l’installation de centrales nucléaires sur le territoire régional, ce qui est déjà un premier pas pour réduire les risques liés au nucléaire. Reste à voir ce qui sera le résultat du référendum national qui aura lieu en Italie le 12 et 13 juin prochains.
Cependant, les risques de catastrophe dans le monde contemporain ne viennent pas tous de l’énergie nucléaire. En effet, nombreux sont les éléments qui pourraient nous inquiéter: l’air n’est pas toujours pure, la nourriture n’est pas toujours  saine (1 et 2), et les paquets de produits financiers ne sont pas toujours composés avec honnêteté (3). Dans ce petit texte je ne veux pas approfondir un argument en particulier (l’embarras du choix est tellement grand que je risquerai de faire comme l’âne de Buridan!); je me contenterai de mener une réflexion générale en me focalisant sur la transmission des informations, pour essayer de comprendre si notre architecture socio-économique est plus un “golem” ou un “juggernaut”.
Si, comme Michel Foucault nous l’a appris, savoir et pouvoir ont très souvent avancé main dans la main, la grande disponibilité de l’information de toute sorte (ou presque), notamment à travers les nouvelles technologies de l’information et en particulier internet, pourrait nous faire croire que la diffusion du savoir finalement démocratise l’accès au pouvoir, nous projetant par miracle dans un monde mieux informé, plus conscient et, somme toute, plus juste.
Dans la réalité, cependant, les choses sont bien différentes. L’information présente sur internet est abondante, c’est vrai, mais elle est aussi redondante, non hiérarchisée, decontextualisée, indifférenciée et, dans la plupart des cas, non vérifiée. Il est ainsi souvent difficile de distinguer le vrai du faux, l’info de l’intox…et finalement la navigation dans le mer de l’information n’est pas une paisible croisière, mais une traversée tourmenté voire, carrément, une noyade.

La question de comment aborder l’information en ligne afin d’éviter les contenus d’une qualité médiocre ou piètre commence tout juste à être abordée par différents acteurs dans plusieurs domaines. Ainsi, on nous apprend que les réseaux sociaux peuvent avoir le pouvoir de modifier les priorités de la recherche scientifique et de attribuer une “valeur” à certaines positions non corroborées par des preuves scientifique (4), que de plus en plus de sites sont créés dans le seul but de faire du chiffre en termes de visites même si leur contenu laisse à désirer (5) et qu’il faut faire attention aux informations personnelles qu’on laisse traîner sur la toile, comme les photos ou les numéros de carte de crédit. Malgré cette graduelle prise de conscience, cependant, il est évident qu’un grand nombre d’individus ne maîtrisent pas l’”information automatique” telle qu’elle existe à présent, que ce soit à cause d’un âge trop avancé, trop jeune (on prend acte de l’existence du net sans la remettre en question) ou simplement à cause du manque de formation à ce type de moyen.
Essentiellement à cause de ce manque d’aisance avec les nouvelles technologies, on se heurte à deux nouveaux phénomènes: (i) des informations de toute sorte, qui font ce que des scientifiques appelleraient du “bruit”, en confondant l’essentiel, l’important et le superflu submergent les individus et les plongent dans un état qui a des similitudes inquiétantes avec l’autisme; (ii) les individus sont dépossédés du contrôle sur les informations qu’ils reçoivent, mais aussi sur celles qu’ils émettent, qui peuvent être stockées et utilisées en des sites, avec des méthodes et pour des buts parfois discutables. Ces problèmes risquent de se développer de manière très importante si effectivement les applications online auront l’avenir que certains leur prédisent.
Ainsi une technologie à priori pro-démocratique et facilitant l’épanouissement personnel et la diffusion de la connaissance risque paradoxalement de perdre de son charme et d’évoluer dans une direction inverse par rapport à celle qui devait être la sienne.
C’est à ce moment précis que le dilemme se présente: est-il préférable qu’on considère cette situation comme un golem ou comme un juggernaut?
Il s’agit de deux mots particuliers, qui dérivent de deux théologies différentes et qui permettent d’envisager une situation globale désastreuse, difficilement contrôlable et avançant par inertie.

Le golem est un mythe juif, dont les origines remontent à l’ancien testament. Indiquant d’abord la matière informe, dépourvue de souffle vital, au fil du temps il a signifié les créations qui pouvaient être construites à partir de cette matière. Au Moyen Âge des écoles kabbalistiques promettaient d’enseigner comment créer des êtres animés à partir de la matière, êtres qui étaient appelés Golems et c’est probablement de cette acception du terme qui dérive la signification moderne du mot golem en hébreu, c’est-à-dire robot. Pour donner la vie à la matière inerte il aurait suffit de tracer sur elle le mot Emeth (verité), tandis que pour la faire redevenir poussière on aurait du juste effacer la lette E, ce qui laissait Meth (mort).
La partie la plus intéressante des golems dans le cas qui nous intéresse est un mythe juif développé au 16ème siècle, le mythe du Rabbi Loew. L’histoire parle d’une ville juive assiégée par des ennemis; le Rabbi Loew, connaissant le secret pour animer les golems, aurait créé une figure ayant une forme humaine et il l’aurait rendue “vivante” en écrivant le nom Emeth sur son front. Le Golem non seulement aurait chassé les ennemis, comme le Rabbi Loew lui avait demandé, mais il les aurait pourchassés un par un et tués. A ce point le Rabbi Loew aurait éliminé le Golem. Cependant, selon certaines versions du mythe, le Golem aurait désormais été trop imposant et il aurait tué le Rabbi Loew en collapsant sur lui dès que ce dernier eut effacé la lettre E de son front. Golem_and_Loew

Le golem, donc, symbolise la matière animée de manière artificielle, pour des finalités positives, mais qui peut échapper au contrôle de ses créateurs et même se retourner contre eux.

Le mot juggernaut dérive quant à lui d’une tradition indienne, le Ratha Yatra.
Il s’agit d’un festival qui se tient chaque année à Puri, dans l’Etat de l’Orissa, dans les mois de juin et juillet. Puri est connue pour le culte de Jagannath (Visnu) et le festival consiste en un défilé de chars en forme de temple par les rues de la ville. Le rite est très connu et il parait que dans les siècles passés la foule était si importante et l’euphorie si forte, que quelques fidèles se faisaient inévitablement tuer par les chars qui les piétinaient.

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Ainsi, le mot juggernaut, anglicisation de Jagannath, a fini par indiquer une force destructrice impitoyable et imparable, qui requiert une dévotion aveugle ou un sacrifice sans pairs.

Or, notre système d’information basé sur les nouvelles technologies et l’internet est-il plutôt un golem ou un juggernaut? Ces deux mots et les concepts qu’ils sous-tendent sont assez proches: des phénomènes d’origine humaine, voire des créations humaines, qui échappent à tout contrôle et deviennent des forces destructrices. Bien qu’ils aient cet aspect en commun, les deux concepts présentent une différence de taille: en effet si le Golem peut être stoppé avec l’intervention (et éventuellement le sacrifice) de ceux qui ont les capacités d’agir, le Juggernaut se distingue par sa complète inévitabilité: le géant peut retourner à être poussière, tandis que le char avance dans sa course désastreuse et il entraine tout ce qu’il trouve sur son chemin.
Finalement donc la différence fondamentale entre les deux concepts est la possibilité d’agir et de contrer le mouvement que les êtres humains (ou du moins une partie d’entre eux) possèdent: des acteurs conscients, proactifs et réactifs d’un côté et des victimes résignées de l’autre.

La vision qu’on a du net (Golem ou Juggernaut) dépend en somme de l’opinion qu’on a quant à notre capacité de l’influencer. Pour ce qui me concerne, je suis d’accord avec Umberto Eco et je suis convaincue qu’il vaut mieux dénoncer les failles du système, quitte à le changer de manière radicale, plutôt que se transformer en des bateaux sans équipage, qui, ne pouvant pas naviguer, essayent tout juste de ne pas couler entrainés dans l’océan de l’information automatique.
Plutôt Golem, donc! Sur cela, voici une chanson du chanteur français Jil is Lucky qui parle de l’histoire de Rabbi Loew. Bonne écoute et bonne route!

dimanche 15 mai 2011

Le nucléaire et les défis de communication

Ce fin de semaine dans le canton de Vaud on votait le projet fédéral de stockage des déchets nucléaires, projet qui a été finalement rejeté. En prévision du vote, Le Temps a publié jeudi dernier un article sur “Comment dire «Attention danger» pour des millénaires”. En effet, outre les catastrophes nucléaires, le principal danger de l’exploitation de l’énergie nucléaire est constitué par les déchets radioactifs produits, qui ont des demies-vies de plusieurs millénaires (voire dizaines, centaines ou milliers de millénaires – la demie vie du iode 129 étant de 16 millions d’années!) et doivent donc être stockés en lieu sûre. Or, ce lieu sûre doit non seulement être à l’abri des intempéries, des tremblements de terre et des éruptions volcaniques, mais il doit aussi pouvoir être facilement identifié comme étant dangereux par les générations futures qui s’y approcheraient. Et ceci représente un défi communicatif de taille.

La question de la communication du danger sur des échelles de temps longues a commencé à être abordée dans les années 1980 et c’est dans les années 1990 que les premiers rapports, articles et livres en la matière commencent à être connus. Un des premiers ouvrages dédiés à ce sujet est “Warnungen an die ferne Zukunft”, édité par le sémiologue Roland Posner, qui envisage clairement la gestion des déchets nucléaires comme posant un problème de communication.

En effet, plusieurs éléments doivent être considérés afin de choisir une forme de communication qui sera efficace dans le futur:

  • le support choisi pour convoyer le message doit être résistant aux éléments naturels et humains et ne pas trop s’abîmer avec le temps
  • la technique permettant de décoder le message doit être disponible aussi dans le futur
  • la signification du message doit rester stable dans le temps.

Comme il est aisé d’imaginer, peu d’éléments possèdent toutes ces propriétés simultanément. La partie la plus simple à résoudre est probablement le support. Ainsi, déjà en 1998, certains proposaient de réaliser des micro-gravures sur des disques en nickel, qui seraient plus résistants que les ordinateurs et ne seraient pas victimes d’obsolescence.  Sur le choix du support repose aussi le projet choisi par le Département de l’Energie des USA pour le Waste Isolation Pilot Plant (WIPP) de Carlsbad, New Mexico. Prévoyant une série de blocs en pierre avec des inscriptions gravées en 7 langues actuellement parlées, un mur sensé protéger les blocs de l’ensevelissement et une pièce sans toit avec des autre informations également gravées. Le projet final devrait être soumis aux alentours de 2028, mais on peut déjà voir deux des inscriptions proposées: la véritable inscription qui devrait figurer sur le site de la WIPP et le pictogramme proposé par l’Agence Internationale de l’Energie Atomique.

Sprenger

Des autres projets ont été proposés, comme l’inscription d’un message codé dans l’ADN de certaines plantes plantées sur les sites de stockage et même dans celui des êtres humains, ou encore l’utilisation de grands aimants à proximité des sites, ou bien de satellites envoyant le message sur la superficie de toute la planète.

Beaucoup de ces exemples montrent que, s’il est simple de réaliser des supports résistants, il est beaucoup moins facile de résoudre le défi technologique. En effet, rien ne démontre que les futures générations sauront se servir de microscopes à haute puissance pour lire les messages inscrits dans les disques de nickel, ni qu’ils seront capables de décrypter l’ADN ou les messages envoyés par satellite.

De plus, rien ne garantit que la signification des messages ainsi transmis resterait stable dans le temps. Si on pense aux messages écrits, en effet, on est confronté au fait que les langues connues ont une durée de vie limitée dans le temps et, par exemple, aujourd’hui il n’a pas encore été possible de décrypter des nombreux systèmes d’écriture anciens. En outre, même une fois déchiffrés, les mots sont difficiles (voire impossibles) à comprendre s’ils ne sont pas insérés dans un certain contexte et la même chose vaut pour les images, les symboles et les infrastructures. Par exemple, la structure conçue pour la WIPP se réfère ouvertement a Stonehenge, mais la signification originaire du site anglais n’a pas encore été découverte (!).

Afin de préserver les informations de “contexte”, plusieurs propositions ont été avancées: la création d’une “Chambre des affaires futures” dans les parlements nationaux, l’invention d’une "mythologie du nucléaire” autour des radiations, tournant par exemple autour d’organismes génétiquement modifiés (comme des chats radiosensibles), ou même l’institution d’un “clergé nucléaire” sensé protéger et transmettre le message.

Et si la voie la plus plausible, soutenue entre autres par Sebeok (1 et 2) semble être de privilégier l’émission de messages multiples et redondants et d’en imposer le renouvellement à échéances multiples (ce qui nous obligerait à penser la communicabilité sur des temps beaucoup plus courts, comme, par exemple, 250 ans), certains, comme Sprenger, semblent prôner l’incommunicabilité du message sur la très longue durée, tandis que d’autres, comme Olshin, croient que le message va se transmettre automatiquement sous forme de contes, légendes et mythes, sans qu’on ait à s’inquiéter de leur création déjà maintenant.

Pour l’instant, en tout cas, on se contente d’inventer des formes de communication hypermodernes, ayant une longueur de vie limitée et fortement dépendantes de la technologie, comme le Code QR, de plus en plus diffus essentiellement grâce aux téléphones portables de type smartphone.

Mais les angoisses de catastrophe (pourquoi pas nucléaire) ne sont pas très loin et c’est ainsi que certains groupes (notamment les survivalistes) se préparent à la fin de toute civilisation, ou, selon leur néologisme, le TEOTWAWKI ou “la fin du monde tel que nous le connaissons”). Nul ne sait si en cas de teotwawki les signaux sur le site de Carlsbad ou sur les dizaines d’autres sites de stockage nucléaire seraient compris, ni même s’ils auraient le temps d’être posés.

En faisant les comptes avec l’incertitude quant à la gestion des déchets nucléaires les vaudois ont donc refusé le projet en question, tandis que la réponse des sardes, qui votaient eux aussi aujourd’hui et demain sur le sujet du nucléaire, n’est pas encore connue.

Il ne nous reste que croiser les doigts et écouter un peu de bonne musique sur “la fin du monde telle qu’on le connait”. Bonne route!

vendredi 13 mai 2011

Changement!

Hallo hallo!

Je suis désormais presque complétement rétablie des mésaventures indiennes, enfin! Cependant, l'air du sous-continent ne me convient pas, donc je ne crois pas que je vais y remettre pied de si tôt. 

C'est pour cela que j'ai décidé de changer le nom de cet espace virtuel, qui de "Récits indiens" devient "Recits tout court". :)

En espérant avoir des choses intéressantes à raconter et assez de temps à dédier à ce blog, je vous souhaite une bonne soirée et bonne route!