dimanche 9 décembre 2012

La zone d’inconfort

J’ai beaucoup aimé les romans “Les corrections” (2001) et “Freedom” (2010) du brillant écrivain américain contemporain Jonathan Franzen. Tous les deux n’ont pas encore eu droit à des éloges ici, même si je suis convaincue qu’il s’agit de deux parmi les plus beaux romans de la littérature contemporaine, et qu’ils deviendront des classiques (je manque de temps, comme toujours). En attendant ça j’ai lu un troisième ouvrage de cet auteur: “La zone d’inconfort”.



Bien qu’il soit paru entre les deux ouvrages mentionnées précédemment (qui sont parfaitement abouties, bien structurées, matures – Freedom, toutefois, encore plus que Les corrections), ce roman semble les précéder et être plus perfectible que parfait.

L’auteur y raconte son enfance, dans le Missouri des années 1970, ses relations avec ses parents et ses frères, et il dresse un portrait attendrissant et en même temps un peu cynique sur cette vie de famille et sur son évolution jusqu’à la mort de sa mère et après. 
On y retrouve aussi, pèle-mêle, des souvenirs d’enfance, des anecdotes remontant à sa jeunesse et à sa vie d’étudiant et de futur écrivain, des tracas, idées et émotions vécus à l’âge adulte, juste après le décès de sa mère.

L’aspect intéressant de ce roman est la description subtile des états d’âme et des sentiments familiaux. On voit comme les relations entre les parents et les enfants évoluent, tout comme celles au sein de la fratrie, à cause du temps qui passe, des ambitions et des modes qui changent et divergent, du gap générationnel… De plus, si l’on a des bonnes références par rapport aux années 1970, il n’est pas difficile de se reconnaitre dans le gamin fasciné par Linus et Charlie Brown, par les musiciens rock et par les jeunes du mouvement hippie.
Franzen nous avait habitués à des romans aux narrateurs multiples, où chacun donnait sa version des faits. Ici, on a affaire à un seul narrateur, le protagoniste, qui parle de différents moments de sa vie. Ce qui est perturbant est le manque de structure: plus qu’un roman, c’est un recueil de mémoires, dans un style non-linéaire.

Ce mélange sans suite chronologique ni thématique est déstabilisant, et sans doute moins réussi que d’autres œuvres de Franzen. Cependant, il vaut quand même la peine de parcourir ce bel hommage à ses parents et à son enfance, qui se lit vite et est bien écrit. Pour que vous aperceviez l’atmosphère du bouquin, en voici un extrait; à remarquer le talent incontestable de l’auteur dans la description de certains états d’âme universels, que chacun a ressenti au moins une fois dans sa vie:
“Tout ce que je fais me donne un sentiment de culpabilité”, dit Charlie Brown. Il est sur une plage, il vient de lancer un galet dans l’eau et Linus a commenté: “Bravo… Ce caillou a mis quatre mille ans pour atteindre le rivage, et maintenant tu l’as renvoyé.”
Je me sentais coupable envers Toczko. Je me sentais coupable envers la petite grenouille. Je me sentais coupable d’esquiver les embrassades de ma mère quand elle en avait le plus besoin. Je me sentais coupable envers les gants de toilette du bas de la pile dans le placard à linge, les plus vieux, les plus minces, ceux qu’on n’utilisait presque jamais. Je me sentais coupable de préférer mes meilleures billes, une vraie agate rouge et une vraie agate jaune, mon roi et ma reine, aux billes très inférieures dans mon implacable hiérarchie. Je me sentais coupable envers les jeux de société auxquels je n’aimais presque pas jouer – Uncle Wiggily, U.S. Presidential Elections, Game of the States – et parfois, quand mes copains n’étaient pas là, j’ouvrais les coffrets pour examiner les pions, afin qu’ils n’aient pas l’impression d’être abandonnés. Je me sentais coupable de négliger mon ours Mr. Bear, aux membres raidis, à la fourrure râpeuse, qui n’avait pas de voix et se démarquait de mes autres animaux en peluche. Et, pour éviter de me sentir coupable envers eux à leur tour, j’en choisissais un différent chaque nuit pour dormir, selon un ordre hebdomadaire très strict.
Nous nous gaussons des teckels qui s’attaquent à nos mollets, mais notre espèce est encore plus égocentrique dans son imaginaire. Aucun objet n’est assez Autre pour échapper à l’anthropomorphisme et à un enrôlement forcé dans notre conversation. Toutefois certains sont plus dociles que d’autres. L’ennui avec Mr. Bear, c’était qu’il était plus réaliste que les autres. Il avait une personnalité à part, austère, bestiale; contrairement à nos gants de toilette sans visage, il affirmait son Altérité. Pas étonnant que je fusse incapable de lui donner une voix. Il est plus simple d’attribuer une personnalité comique à une vieille godasse que, disons, à une photo de Cary Grant. Plus le modèle est neutre, plus il nous est facile de le façonner à notre image. (pp. 49-50)
Pour nous quitter, voici une vidéo qui nous arrive directement des Seventies: ce sont les britanniques Genesis, jouant une suite de magnifiques chansons de rock progressif à la télé belge en 1972 (plus d’infos sur la vidéo ici). Bonne route!

Genesis

1 commentaire:

  1. Sicuramente l'entusiasmo che tu metti nel parlare dei libri di Franzen io lo sento quando guardo il video dei Genesis che hai inserito in questo articolo. Non conosco i testi di cui parli, un giorno o l'altro li leggerò, quando riuscirò di nuovo a leggere romanzi...per ora mi limito a commentare il video. E' strano descrivere cosa prova un'attempata signora che nell'adolescenza leggiucchiava di Peter Gabriel e dei Genesis sulla rivista "Rolling Stones" , senza poterli nè vedere nè ascoltare più di tanto, che non capiva l'inglese e non poteva di certo collegare le recensioni con video e testi...Una meravigliosa scoperta, una grande ammirazione per il superlativo talento del cantante e dei musicisti, che emerge così schietto e palpabile pur nella povertà della scena e degli strumenti...Sì la cosa che mi entusiasma di più è vedere quanto talento si può avere e come lo si può mettere a frutto con tanto successo...un abbraccio Francesca

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