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vendredi 27 septembre 2013

Je mets la main à la pâte

Depuis deux jours une polémique enflamme le monde LGBTQ, suite aux déclarations du patron de Barilla, qui en gros a dit qu’il n’aurait pas mis de gays dans ses pubs car il soutient la famille traditionnelle et que, si les gays n’apprécient pas, ils peuvent toujours acheter des pâtes chez la concurrence.

Une campagne de boycott des produits Barilla a donc commencé, et elle a donné lieu à une offensive médiatique des militants LGBTQ ainsi qu’à de nombreuses parodies. Entre autres, des concurrents de Barilla ont saisi l’occasion pour se donner une image de marque gay-friendly, ce qui bien évidemment était prévisible.

J’ai recueilli certains des tweets parmi les plus amusants ici, ce qui m’a aussi permis de tester Tweetbook. Il s’agit d’un nouveau service, encore en version beta, qui permet de sauvegarder des tweets et de créer un petit livre en format .pdf avec eux. Le rendu graphique est intéressant et ça vaut la peine d’y faire un tour, d’autant plus qu’obtenir une invitation pour tester le site est très facile (j’ai demandé et je l’ai reçue après 10 minutes).

Malgré le fait que le suicide marketing de Barilla est évident, certains commentateurs ont eu le culot de dire que les “lobbies gays” ont réagi de manière extrémiste, et que monsieur Barilla a le droit de faire les choix publicitaires qu’il veut pour son entreprise.

Or, c’est précisément quand je lis cela que je sursaute. En effet, premièrement ce n’est pas une réaction extrémiste, mais parfaitement normale. Si vous n’en êtes pas tout à fait convaincus, essayez de lire cette version (le texte est celui original, seulement les références aux gays ont été changées; adaptation réalisée par LezPop):

 “On ne va pas faire une pub avec une famille de noirs parce que la nôtre est une famille traditionnelle blanche. Ce n’est pas pour manquer de respect aux noirs, mais parce que je ne suis pas d’accord avec eux. Si les noirs aiment nos pâtes et notre communication, ils en mangent, et s’ils n’aiment pas ce qu’on dit ils éviteront d’en manger et en mangeront une autre”

Choquant, pas vrai?

Donc, le premier point est que dans une société civilisée on ne devrait pas s’exprimer de la sorte.

Le deuxième point concerne la liberté des choix marketing de l’entreprise. Bien évidemment, Barilla est à 100% libre de choisir la communication et les valeurs qu’elle préfère. Cependant, les consommateurs ne sont pas des victimes passives: ils sont tout autant (si ce n’est plus) libres de choisir quels produits acheter. Ainsi, ils votent avec leur porte-monnaie (ce qui, à mon avis, est aussi l’un des suffrages les plus efficaces). Et, puisqu’au fond il s’agit d’un choix politique au sens large, ils sont aussi libres de faire de la “propagande” pour ou contre un certain produit auprès de leurs amis et connaissances.

Donc les politiciens et les commentateurs réactionnaires devraient se souvenir de cela: même dans un pays qui accorde peu (ou pas) de droits aux LGBTQ, ceux-ci peuvent utiliser leur poids économique pour réagir quand leur dignité est bafouée.

Sur cela, je vais vous souhaiter une bonne soirée parce que je dois aller cuisiner (des pâtes De Cecco) et je vous laisse en compagnie d’une chanson que j’aime beaucoup, Breathe des britanniques Erasure. Bonne route!

Erasure – Breathe

mardi 23 avril 2013

France: le mariage pour tou-te-s est réalité -- Bravo Hollande et le gouvernement Ayrault!

Quelques mois en arrière on avait douté que les promesses de campagne de François Hollande à propos du mariage pour tou-te-s deviennent réalité.

Avec grand bonheur nous pouvons aujourd’hui faire mea culpa et nous réjouir du fait que la loi sur le mariage pour tout-e-s vient d’être adoptée par l’Assemblée Nationale française.



Certes, il y a encore des progrès à faire pour que l’institution du mariage devienne vraiment adaptée à la société contemporaine, notamment avec la légalisation de la PMA pour les couples de femmes, la légalisation des contrats prénuptiaux, l’extension du mariage à des groupes de personnes plus nombreux que deux et en général la transformation du mariage en un contrat de droit privé non standardisé et adaptable au cas par cas.

Cependant, pour l’instant c’est déjà très bien et on a hâte que de telles avancées en matière de droits se propagent aussi dans nos contrées.

En attendant, je pars mettre le champagne au frigo et le drapeau arc-en-ciel en dehors de la fenêtre (pps: c'est fait!): fêtons!



Renato Zero – Fiori d’arancio
P.S.: La chanson est “Fiori d’arancio” de Renato Zero. Bonne route!

dimanche 17 mars 2013

Déception quand tu nous tiens…

Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais je suis quelqu’un de plutôt optimiste sur le genre humain…en tout cas, optimiste à priori. Ainsi, quand je rencontre quelqu’un pour la première fois, j’ai un a-priori positif, qui évolue au gré des agissements de l’individu en question.

En gros donc, j’ai un graphique mental où, à l’instant zéro, tout le monde est là où se trouve la flèche (et après on peut monter ou descendre dans l’échelle d’appréciation).

C’était aussi le cas du nouveau pape François, quand j’ai appris son élection.

lundi 17 septembre 2012

Mariage homo: une réponse à Natacha Polony

Après un long (et mérité) calme estival, nous voici aux portes de la rentrée: tout se remet en marche, y compris les discours à propos des thèmes les plus divers. Parmi ces discours, on retrouve celui de Natacha Polony il y a deux jours dans l’émission “On n’est pas couché”… et on ne peut que réagir.


La ministre de la famille était l’invitée de l’émission pour présenter le projet de “Mariage pour tous”, qui est à présent seulement en phase d’examen. S’il est vrai, comme l’a dit entre autres Yves Delahaie, que la ministre Dominique Bertinotti était très mal préparée et ne voulait pas trop s’exposer, il est aussi vrai que les arguments contre le mariage homo avancés par Natacha Polony étaient au moins illogiques, et au plus réactionnaires.

En effet Mme Polony a argumenté:
  1. que le mariage est une chose naturelle
  2. que le but du mariage est la procréation
  3. que le mariage est réservé aux couples hétérosexuels et qu’il n’est pas un droit
  4. que l’introduction de la fécondation assistée pour les couples lesbiennes entrainerait l’introduction des mères-porteuses
  5. que les couples homo élèvent les enfants tout autant bien que les hétéros, mais ils ne devraient tout de même pas profiter du mariage.
Reprenons une à une les considérations de Natacha Polony et cherchons les erreurs.
  1. Le mariage n’est pas une chose naturelle. C’est un contrat entre deux personnes, et comme tout contrat il existe parce que la société lui donne de la légitimité: elle lui attribue le droit d’exister.
  2. Le contrat de mariage a comme but, historiquement, la règlementation des droits d’héritage et de patrimoine. C’était une formule formidable d’association entre familles et de fusion de différents patrimoines. En réfléchissant, on se souvient vite du fait que les enfants illégitimes ont toujours existé…et que la conséquence fondamentale de leur condition sur les gamins “bâtards” était qu’ils n’avaient pas accès à l’héritage. Certes, ça c’était avant. Mais si de nos jours le mariage  avait comme but la procréation, il faudrait empêcher les personnes stériles ou les vieux de se marier! Or, il est clair que si les vieux ou les infertiles se marient quand même c’est parce que le mariage permet de profiter de certains “privilèges” (sur le plan fiscal et légal, notamment), qui ne sont pas accordés aux personnes non mariées. 
  3. Etant donné que le mariage entraine des privilèges réservés aux gens mariés, on devrait permettre à tout le monde d’accéder à ces privilèges (ou à personne). En effet, en vertu de quoi un couple hétéro marié sans enfants aurait droit à des “cadeaux” fiscaux, et un couple homo dans la même condition non?
  4. A présent, la loi française autorise les couples hétérosexuelles stériles à avoir recours à la fécondation assistée et in vitro avec don de sperme anonyme, mais elle ne les autorise pas à avoir recours aux mères porteuses. Il existe donc d’ores et déjà une discrimination entre les couples hétérosexuelles où la femme peut porter des enfants et celles où elle ne peut pas…et cette discrimination est préexistante par rapport à la future législation sur le mariage pour tous. Il faudrait donc redresser la situation en permettant (ou en interdisant) à tout le monde le recours à des donneurs et donneuses anonymes.
  5. Ceci revient à dire que les enfants des couples homos devraient être discriminés à priori. Bien évidemment, c’est une affirmation grave et qui bafoue l’idéal républicain (où est passée l’égalité?).
En gros, donc, Mme Polony a profité de l’espace de parole offert par l’émission pour balancer une série de préjugés sans logique ni sens. Elle n’en a pas le monopole, certes (entre autre l’acteur Rupert Everett s’est distingué pour une prise de discussion discutable – surtout si elle provient d’un homo!). 

Contrairement à Everett (qui parle depuis le “champs de bataille et dit que son opinion ne concerne que lui), Natacha Polony parle de choses qu’elle connait de toute évidence mal et en plus elle le fait comme si elle détenait “LA Vérité” suprême sur le sujet. Désolant!

Après avoir démontré toute la fausseté du raisonnement de Mme Polony, j’ouvre une parenthèse pour dire que (comme souligné d’ailleurs par le journaliste Aymeric Caron lors de la même émission) le droit familial basé sur le mariage (même avec le “mariage pour tous”) est en tout cas discriminatoire pour les personnes non mariées. Le but d’un gouvernement réellement progressiste et libertaire serait d’annuler tous les privilèges pour les couples mariées, et de réduire le mariage à un contrat visant la simplification administrative (pour les choses de la vie courante, comme la location d’un appartement, le droit de décision en cas d’hospitalisation, etc.). En effet, si vraiment on veut la liberté et l’égalité, on doit ouvrir le droit du mariage à tout le monde…sans pour autant discriminer ceux qui ne sont pas mariés!

Pour une autre analyse du débat Bertinotti - Polony, vous pouvez regarder le post de Sandra ici.

Pour nous quitter sur un ton plus gai, voici “Fiori d’arancio” de l’incomparable artiste italien Renato Zero. Bonne route!

Renato Zero – Fiori d’arancio

samedi 12 mai 2012

Tu n’aimeras point (Eyes Wide Open)

Pendant que la lutte pour les voix des homos fait rage aux USA (et il y a même un certain Romney qui fait des déclarations très fantaisistes sur le sujet), Israël est l’Etat du Moyen Orient et d’Asie où les droits des communautés LGBTQI sont les mieux respectés: “pacs”, adoption, FIV et même reconnaissance des mariages contractés à l’étranger. C’est tellement vrai que Tel Aviv a été nommée la meilleure destination gay pour 2011 et que des marches des fiertés (pride parades) sont régulièrement organisées.

Malgré une situation réjouissante, certains activistes internationaux accusent Israël de pinkwashing, les politiciens israéliens montrent des degrés de gay-friendliness variables et les groupes religieux ultra-orthodoxes ne sont pas toujours très tolérants. Mis à part les discussions récurrentes sur les pride parades, les principales victimes de l’intolérance homophobe au sein des groupes orthodoxes sont vraisemblablement les personnes LGBTQI qui font parties de ces communautés et qui sont obligées (comme certains orthodoxes bien hétérosexuels mais sensibles à la modernité) de se cacher et/ou de mener une double vie. C’est sur eux qui se penche le film “Tu n’aimeras point” (“Eyes Wide Open”) du réalisateur Haim Tabakman (interview ici), sorti en 2009.

Eyes_wide_open Ce film raconte l’histoire de Aaron, boucher, mari et père vivant à Jérusalem, et de sa rencontre avec son aide-boucher Ezri, un jeune homme dont il tombe amoureux.
Erzi débarque dans la boucherie soudainement et comme un étranger révolutionnaire, figure qu’on a déjà rencontré à plusieurs reprises auparavant.

Leur relation cachée a beaucoup de mal à démarrer, à cause des préoccupations religieuses d’Aaron, et elle se trouve confrontée à une pression sociale écrasante, représentée par les menaces des jeunes extrémistes envers “Aaron le boucher” et du rabbin envers “Aaron le croyant”. Aaron revit grâce à la compagnie d Ezri, mais ce sera de courte durée…

Tu n’aimeras point (2009) – Trailer

Même s’il n’y a pas de dénouement heureux, il vaut la peine de regarder le film: des belles images, qui témoignent d’un petit budget de réalisation; des dialogues essentiels; des musiques agréables, surtout dans les scènes de prière; une représentation réaliste du quotidien des personnages; un soin particulier dans l’élaboration de la psychologie des protagonistes, tout particulièrement Aaron et sa femme. En plus, depuis quelques jours il est possible de le visionner gratuitement sur le site Arte+7 de la chaine Arte pendant quelques temps.

Pour conclure, voici une chanson sans lien particulier avec le film sauf le titre, qui est le même. Il s’agit de Eyes Wide Open, du belgo-australien Gotye, que ces jours-ci s’est hissé à la tête du classement des ventes aux USA et sur internet avec son (très bel) album Somebody That I Used To Know, dont cette chanson a été le premier single. Bonne route!

Gotye – Eyes Wide Open

jeudi 10 mai 2012

Engagement LGBTQI & bonne musique

Hier le président des Etats Unis Barack Obama a fait une grande déclaration de campagne, s’engageant ouvertement en la faveur du mariage pour les couples homosexuelles.

Barack Obama @ ABC News–“Gay couples should be able to get married”

Malgré le fait que le président des USA n’ait qu’une très faible influence sur le droit civil des Etats, il s’agit d’un message important, qui arrive dans la continuité d’un long engagement en faveur des communautés LGBTQI, après la très fameuse allocution “It gets better” pour les adolescents LGBTQI, l’abolition du “Don’t ask, don’t tell” dans l’armée, l’expansion des bénéfices des employés fédéraux à leurs partenaires du même sexe et le memorandum anti-homophobie à l’intention des hôpitaux qui reçoivent les fonds Medicare et Medicaid.

On ne peut donc que se réjouir de cette confirmation du respect que le président des USA porte aux minorités sexuelles et de son action contre les discriminations. En particulier, une mobilisation de support a été organisée par All Out.

Entretemps ici en Europe beaucoup de promesses ont été faites, juste à côté de chez nous, ce qui a visiblement suscité l’enthousiasme de nombreux militants…et qui explique aussi la présence de nombreux drapeaux arc-en-ciel à la Bastille dimanche dernier.

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Photo par Philippe Leroyer, Flickr
Cependant, vu que François Hollande a accouché de la promesse de légalisation du mariage gay avec beaucoup de souffrance, notre drapeau à nous est resté accroché à la maison et le restera tant qu’on n’aura vu des faits.

Bien entendu, ceci ne nous empêche pas de nous réjouir pour les avancées de l’autre coté de l’Atlantique…et quoi de mieux que de fêter en écoutant le dernier album des Gossip, A Joyful Noise?

On aime beaucoup Gossip, non seulement parce qu’ils font de l’excellente musique, mais aussi parce qu’ils sortent des sentiers établis. En particulier, on a eu occasion d’apprécier l’engagement militant de la chanteuse et auteure du groupe, Beth Ditto, en faveur des droits LGBTQI et de l’acceptation du corps. Beth_Ditto_Love_Mag

Ceux qui comme moi ont loupé leur concert en directe radio sur la Rts (en pensant naïvement qu’il allait être publié sur le site de la chaine Triste) peuvent se rattraper de manière satisfaisante en écoutant l’album. C’est un travail abouti, tout autant riche que l’album précédent et qui reprend certains rythmes disco si typiques de ce groupe.

Tout en mettant en valeur la voix de Beth Ditto (moins que Music For Men, cependant), les chansons s’appuient sur des sons dance-rock et elles donnent envie de danser. Les connaisseurs reconnaitront des inspirations de ABBA et même de Madonna, et une atmosphère qui rappelle certaines sonorités des années 1980 tout en les modernisant avec des basses bien solides et en les densifiant quelque peu. Bien évidemment, les sons très saturés sont de mise et, regrettablement, l’extension vocale couverte par les chansons est moins importante que les talents de Beth Ditto ne le permettent.

Un bon travail, qu’on apprécie et qui est bien ficelé et cohérent à l’exception de “Get Lost” (une chanson à cheval entre les sonorités des années 1980 et des 1990, qui n’offre pas grande chose de nouveau et qui n’aurait probablement pas dû faire partie de l’album; bref, je n’ai pas aimé ce tube).

Pour nous quitter, voici Perfect World, premier single tiré de cet album. Bonne route!

Gossip – Perfect World

mardi 20 mars 2012

Egalité #2

En attendant la délibération du Conseil National sur l’adoption d’enfants par les couples homosexuelles, le débat fait rage en Suisse. Les journaux, les télévisions et les sites internet dédient des pages et des pages à l’argument, et vu certains des arguments qu’on peut lire on est forcé de revenir sur l’argument.

Par exemple, si on va sur le site de la RTS (ex TSR), on peut lire les commentaires suivants. Puisque ils sont fantaisistes et vraiment à coté de la plaque, nous avons pris le temps de les classer et de les commenter par groupes.

Ceux qui sont restés bouche-bé
“A nom d'un rejet de l'homophoblie, faudrait-il tout accepter?
A nom d'une ouverture d'esprit faut-il fermer les yeux ?”
Ben non, il ne faudrait pas TOUT accepter. Juste que les membres de la communauté lgbtq aient les mêmes droits que les autres, aussi pour ce qui concerne la reproduction et le droit d’avoir des héritiers.

Les “naturalistes”
“Biologiquement, historiquement et culturellement les enfants sont éduqués par leurs parents qui les ont procréés. Malheureusement certains son orphelins et adoptés par des parents qui auraient pu avoir ou on eut des enfants.
Les homosexuelles ne peuvent pas avoir d'enfants naturellement, donc il est légitime de ne pas accepter l'adoption par les homosexuelles.”
Est-ce que l’éducation est biologique? Non, elle est historique et culturelle. Donc, c’est aux individus de décider comment ils veulent la donner, qu’elle soit donnée pas le père, la mère, la tante, le cousin ou le voisin de palier. Puis, les homosexuels peuvent avoir des enfants tout autant que les couples stériles: pourquoi ces derniers devraient avoir accès à l’adoption (et à la FIV) et pas les lgbtq?
“Le comportement naturel de toute créature vivante, est la reproduction de l'espèce. Ce sentiment "animal" est normalement ancré dans chacun de nous, même si nous n'avons pas conscience, et il pousse un sexe vers l'autre. Il apparaît donc vraisemblablement, que ce sentiment a disparu chez les homosexuels. loin de moi l'idée de les juger ou de les condamner, car ils ne sont pas responsable de cette dégénération.”
La démonstration que ce sentiment n’est pas ancré en chacun d’entre nous est que les lgbtq existent – et qu’ils ont un désir d’enfant tout en n’ayant pas envie d’avoir des relations sexuelles de type hétérosexuel! Et puis, qu’est-ce que cette récupération du vocabulaire hitlérien – ose-t-on encore parler de dégénérescence au XXIe siècle?
“L'homoparentalité me paraît un grand mensonge envers un enfant. En effet, comment transmettre l'amour de l'autre, tout en lui expliquant que sa conception a été entièrement organisée dans la négation de l'autre genre?”
Les lgbtq ne nient pas l’autre genre. Ils préfèrent avoir des relations sexuelles et vivre en ménage avec un membre du même sexe, mais cela n’a rien à voir avec l’autre genre (puisque le genre n’est pas équivalent au sexe).
“Depuis le début de notre civilisation, des hommes des cavernes jusqu’à maintenant la cellule de base de notre civilisation a été la famille. Depuis quelques années cette notion disparaît devant les contraintes économiques, les contraintes soient disant sociale, et une certaine vision du futur de l’humanité. Si nous démolissons les bases (La famille est une de ses bases) sur laquelle nos sociétés sont basées que va t’il se passer pour notre civilisation ??
Si on sape les fondations de notre civilisation on détruit notre civilisation et notre sort serra pareille à celui de l’empire romain.”
Il faut retourner au cours d’histoire. La famille hétérosexuelle nucléaire telle qu’on la connait aujourd’hui dans le monde occidental n’existe que depuis 2 siècles environ. Avant, on avait toute sorte de famille élargie et non monogame, basée sur les intérêts politico-économiques et sur les craintes religieuses plus que sur l’amour. Lecture conseillée: Histoire de la sexualité, tomes 1, 2 et 3.
“Je suis opposé a l'adoption des enfants avant l'age de 8 ans a 10 ans par des couples du même sexe uniquement pour la question que les enfants de moins de 8 ans ont besoins de sa MAMAN et son PAPA. La nature l'a dit pas moi!!!”
La nature ne parle pas, et les contraintes biologiques disent juste qu’il faut un ovule et un spermatozoïde pour faire un gamin. Rien n’est dit sur les gens qui doivent élever leurs gosses. A ce propos, est-ce que les enfants confiés aux grands-mères, aux tantes, aux oncles etc. – pratique très diffuse partout au sud de l’Europe et dans les pays du Sud - grandissent perturbés?
“Aujourd'hui, en accordant ce droit, je crois qu'on bafoue celui de l'enfant, qui lui a le droit de vivre dans un environnement plus proche de la norme naturelle admise communément dans notre société. Qu'on l'utilise même comme un cobaye, pour prouver une certaine conformité sur un mode de vie minoritaire, encore actuellement. Un homme peut naturellement aimer un autre homme, mais de là à éprouver une attirance sexuelle et à coucher avec lui résulte certainement d'un autre mécanisme.”
Le fait de modifier les lois modifie aussi la norme communément admise dans une société. Et puisque c’est une norme communément agréée, ça va de soi que ce n’est pas “naturelle”. Puis, bien sûr un homme peut aimer un autre homme….s’il couche avec, c’est juste qu’il est honnête avec soi-même et pas frustré ni réprimé ni sexophobe.
“L'enfant a besoin de s'identifier aussi bien à la mère qu'au père. Donc s'il manque l'un ou l'autre il lui sera très difficile d'avoir un parcours de vie harmonieux sur la plan affectif puisqu'il n'a pas connu une relation saine et aimante mari/femme.”
Quid des familles monoparentales? Faut-il leur enlèver les gamins? Et on fait quoi avec les veufs/veuves? Il ne me semble pas que les enfants qui ont été élevés par un parent seul deviennent des dangereux psychopathes. En outre, qui dit qu’une relation lgbtq ne peut pas être saine et aimante?
“Faut-il légaliser, c'est à dire encourager des dérives, sous prétexte de tolérance, de grandeur d'esprit qui n'est en fait qu'une absence de repère largement liée à une éducation déficiente ? Faut-il renoncer à l'éducation bipolaire homme-femme, dont la complémentarité est synonyme souvent d'équilibre chez l'enfant de par le pivot solide que peut représenter un couple?”
“Psychiquement l’enfant a besoin d’un père, d’une mère,d'un Amour et d’une éducation bipolaire ! Affirmer le contraire est un encouragement à la destruction de la société. La bible dit que dans les temps de la fin, le bien sera appelé mal, et le mal bien. Cette parole qui était impensable il y a quelques années devient réalité. Ne jouez pas à l’autruche. Les belles années, avec de telles prises de positions, ne reviendront plus ! Vous préparez un « beau » monde pour vos enfants ! À quand des COURS obligatoires DE LOGIQUE dans les Écoles. (L’Homosexualité et leurs éventuelles adoptions d’enfants sont contraires aux lois de la nature.)”
Mon Dieu, on n’espère pas que les enfants des familles hétérosexuelles reçoivent une éducation BIPOLAIRE…ce serait inquiétant et vraiment dangereux! Là, il faut plutôt des cours de vocabulaire et de laïcité (la bible dit aussi qu’on peut vendre et acheter des esclaves, ou échanger ses filles contre des animaux…ce n’est pas pour autant qu’on le fait).
“Pour moi pas d'adoption car l'enfant a besoin d'un père masculin et d'une mère féminine. Point barre. Je ne dis pas que les parents hétérosexuels sont tous irréprochables loin de là, mais l'enfant a besoin de pouvoir S'IDENTIFIER aux gens de son sexe, alors comment ferait-il avec 2 pères ou 2 mères ?”
De toute évidence, il faut intégrer des cours GENRE dans les écoles, et cela dès le plus tendre âge. Qui a dit qu’un père est forcément masculin et qu’une mère est forcément féminine? Et qu’est-ce qu’être masculin/féminin signifie? On doit du coup forcer les couples hétérosexuels à jouer le jeu du bon flic et du flic méchant (et balayer 50 ans de luttes féministes), pour revenir à la situation d’avant 1968?
“Je ne peux souscrire ni au mariage et encore moins à l'adoption par des couples gay. La question n'est pas d'ordre moral, bien entendu ! Elle est celle d'un certain équilibre autant pour les enfants que pour les parents. Il faut un homme et une femme pour faire un enfant et pour l'élever et le former à la vie. Les familles recomposées ou adoptives hétérosexuelles rencontrent souvent beaucoup de difficultés avec l'adolescence et je suis persuadé que ces difficultés seront augmentées par le facteur "gay".”
Pourquoi cela? Et c’est quoi le facteur “gay”? Heureusement, élever des gosses ne peut se faire en appliquant des équations du type P(père) + M(mère) - G(facteur gay)!
“Si je peux facilement concevoir qu'un couple féminin puisse élever un ou plusieurs enfants, car la femme est faite pour être mère, et ceci quelque soit le contexte. J'ai beaucoup plus de peine à imaginer deux hommes élever un ou une gosse, car la connaissance du côté féminin doit manquer cruellement à quelque part.”
La femelle a un corps qui peut porter des enfants, mais dire que seul la femme serait tendre, affectueuse et capable de prendre soin des autres reviendrait à nier que le genre est une construction sociale. Encore une fois, le sexe n’équivaut pas au genre!

Les victimes du genre
“Je vais jusqu'à me demander si le désir d'enfant des homos n'est pas finalement avouer que cette façon de vivre sa sexualité a un côté insupportable et qu'il faut donc, par un moyen détourné, retrouver une dualité du genre, mais sur le dos de l'enfant.”
Est-ce que c’est vraiment si difficile d’imaginer un ménage où les rôles (affectifs, sexuels, éducatifs) ne sont pas figés? Il est tout à fait possible d’établir un ménage lgbtq où il n’y a pas un qui “fait l’homme” et un qui “fait la femme”, mais où des adultes responsables s’occupent des mêmes tâches en même temps ou à tour de rôle.

Les législateurs fantaisistes
“Notre société a tendance à vouloir toujours adapter la loi aux situations existantes sans se demander si ces situations sont idéales. Il existe des couples divorcés ou séparés mais personne avant de se marier ou de se mettre en couple n'affirmerait qu'il sera heureux et qu'il vise comme situation "d'être divorcé". Nous visons l'idéal mais nous nous adaptons lorsque n'atteignons pas cet idéal. Par contre, faisons attention de n'inscrire dans nos lois que les situations idéales pour éviter un nivellement par le bas de notre société.”
Puisqu’on veut inscrire dans la loi seulement les situations idéales, supprimons aussi les lois régissant le divorce et tout ce qui ne nous plait pas vraiment…et puis déménageons tous ensemble au pays des bisounourses. De plus, pourquoi la parentalité lgbtq ne serait pas une situation idéale?
“L'Etat n'a pas a entrer en matière pour reconnaître une union entre personnes de même sexe. Cela doit rester privé. Enfin, l'Amour a un telle richesse qu'il est impossible de l'épuiser. Il y a l'Amour de Dieu, l'amour entre un homme et une femme, amour exclusif et sponsal, l'amour entre frère et soeur, l'amour d'amitié (qui ne peut être que cet amour entre deux personnes de même sexe)... Ces types d'Amour n'entraînent pas la sexualité, qui est accompli entre un homme et une femme dans le cadre fidèle du mariage.”
Puisqu’une union d’amour doit rester privée, privatisons aussi les mariages hétérosexuels, et régulons-les avec des contrats de droit privé sur le même type que les SàRL… De plus, l’amour entre personnes du même sexe entraine une sexualité tout comme l’amour hétérosexuelle.

Les paranos
“C'est clair qu'il y a un lobby des homosexuelles au niveau de la pouvoir qui est extrêmement fort. Si non on peut pas explique une pareille décision. je ne suis pas conspirationniste mais d'un point de vue politique c'est une gaffe. Ce comme ils on perdu leur tête ou, plus logique comme Berne a reçu l'ordre d'accepter cette chose-ci.”
Oui, bien sûr. Les membres de la communauté lgbtq sont si puissants que non seulement les lgbtq ne sont pas discriminés, mais ils ont même plus de droits que les autres….peut-être que dans les années 1960 c’est un lobby noir qui a fait passer le Civil Rights Act aux USA!

Une chose nous interpelle grandement dans tous ces commentaires, c'est qu'ils concernent quasiment tous le droit d’existence des familles homoparentales. Donc en gros, on se pose le problème de voir si d'un point de vue éthique les homosexuels ont-ils le droit ou non d'avoir des enfants et de former une famille homoparentale, si c'est bien ou non. Mais aujourd'hui cette problématique est dépassée, les homosexuels n'ont pas attendu une quelconque approbation pour former des familles avec enfants, ces familles existent que les gens le veulent ou non!
En Suisse plusieurs milliers d'enfants (entre 6000 et 20000) vivent dans des familles homoparentales et ces enfants n'ont pas de protection juridique égale à celle des autres enfants: les droits de visite de la part du parent non biologique en cas de séparation ainsi que l'héritage n'existent pas.
Ces familles ne vont pas disparaître si Berne, ou le peuple en cas de référendum, donnent un avis défavorable à l'adoption par le conjoint de l'enfant voire à l'adoption totale, alors il serait temps qu'on pense à ces enfants avant de se préoccuper d'une pseudo morale qui n'existe pas réellement et qui masque juste un profond malaise face à ces familles.

Maintenant que nous avons utilisé notre droit de réponse, et en espérant d’avoir éclairé le brouillard dans lequel nombre de personnes se baladent, quittons-nous avec la toute nouvelle vidéo d’Arielle Dombasle sur le mariage homo. Bonne route!

Arielle Dombasle pour Act Up Paris (2012)

jeudi 15 mars 2012

Egalité?

Comme toujours, surtout en période de campagne politique, tout prétexte est bon pour s’en prendre aux minorités sexuelles et en particulier aux homosexuels. Ainsi en France le candidat-président Sarkozy affirme son opposition au mariage gay, en Italie tant la gauche que la droite s’empressent de s’en dissocier, en Suisse il y en a qui s’indignent contre l’adoption par les parents gays (pour halluciner jusqu’au bout, lire avec attention les commentaires à ce lien), et on en trouve même qui sont prêts aux croisades contre “l’idéologie du gender”! Surpris

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Cependant, dans les faits, la politique est très loin du vécu réel des populations. En effet, le mariage gay et l’adoption sont légaux dans plusieurs pays et cela ne provoque aucun dégât: les seuls problèmes sont donc dans la tête de ceux qui s’y opposent.

Or, puisque les êtres humains sont les mêmes partout, ils sont en tout contexte capables d’éprouver des sentiments et d’aimer, que cela soit permis ou pas. Ce qui se passe est que dans les pays où aucunes lois réglant les statuts des couples homosexuelles et de leur progéniture n’existent, ces familles “arc-en-ciel” sont privées de tout droit. Elles existent bel et bien, mais les conjoints n’ont pas les mêmes droits que les membres d’un couple hétérosexuel, ni vis-à-vis de leur ménage ni vis-à-vis des éventuels enfants. Il y a donc un vide légal, que la politique peine à combler.

Une grande partie de la population est souvent favorable au mariage et à l’adoption gay, mais dans beaucoup de cas les politiciens n’ont pas assez d’ouverture mentale et quand ils n’attaquent pas les communautés lgbtq ils proposent seulement des petites avancées (voir ici pour la France et ici pour l’Italie).

Les derniers recours pour voir reconnaitre ses droits semblent donc les tribunaux: cours nationales de cassation et Cour européenne des droits de l’homme. Malheureusement, non seulement ce n’est pas l’endroit pour légiférer (en tout cas pas dans des pays qui n’appliquent pas la common law), mais en plus le résultat n’est pas garanti.

Juste aujourd’hui deux jugements importants étaient rendus.

  • Le premier, par la Cour de cassation italienne, qui a statué que même en dépit d’un contrat de mariage (le mariage homosexuel et le pacs n’étant bien sûr pas légaux en Italie) les conjoints gays doivent avoir les mêmes droits que les autres; on s’en réjouit (même si ce n’est qu’une goutte dans l’océan)!
  • Le deuxième, par la Cour européenne des droits de l’homme, qui a statué que, puisque les gays ne peuvent pas se marier, ils ne peuvent pas adopter d’enfant en France…mais ils ne sont pas discriminés pour autant! Il s’agit clairement d’une ânerie sans paire, équivalente à dire que si les noirs à l’époque de l’apartheid ne pouvaient pas être médecins c’est car ils ne pouvaient pas aller à l’uni…mais sans être pour autant discriminés. Lamentable!

Heureusement que cette réalité n’est pas la même partout. Si quelques pays sont à tel point civilisés que le nom des deux conjoints est inscrit sur l’acte de naissance des enfants, en Suisse aussi les choses bougent et cette semaine le Conseil des Etats a accordé aux couples homosexuelles le droit d’adopter des enfants, en acceptant la motion «Même droit pour toutes les familles»…espérons de ne pas être déçus par le Conseil National!

En attente de voir ce qu’ils décideront, croisons les doigts et détendons nous avec ce tube de Lily Allen…en souhaitant que l’homophobie disparaisse bientôt et que ce ne soit plus nécessaire de leur dire Fuck you. Bonne route!

Lily Allen–Fuck you – Clip réalisé par gayhomo.fr

mardi 10 janvier 2012

La religieuse

En vacances j’ai finalement le temps de lire un peu…et, si je considère les livres qui attendent d’être feuilletés, je n’ai que l’embarras du choix. Puisqu’il faut bien commencer quelque part, j’ai choisi “La religieuse”, une œuvre réalisée à la fin du XVIIIe siècle par Denis Diderot et devenue désormais un classique de la littérature française.

Diderot, Denis (2000) La religieuse. Paris: Librairie Générale Française, 319 pp.



L’écrivain et philosophe français (qui était par ailleurs né le même jour que moi, bien que dans un autre siècle) est plus connu pour l’Encyclopédie et pour son rôle majeur dans le mouvement des Lumières que pour ce petit roman dont je vais parler.

Louis-Michel_van_Loo_001Portrait de Denis Diderot, par Louis-Michel Van Loo (1767)
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Marc-Antoin-Nicolas de Croismare dans une gravure de Charles-Nicolas Cochin

Il s’agit d’une œuvre dont la réalisation est drôle et bizarre. Diderot et son entourage avaient un ami, le marquis de Croismare, qui avait quitté Paris et était parti à la campagne pour quelques temps; pour le convaincre à retourner dans la capitale, Diderot et ses amis avaient imaginé une histoire assez alambiquée.

En effet, quelques temps auparavant, ledit marquis s’était intéressé à l’histoire d’une bonne sœur qui, se plaignant du fait que ses vœux lui avaient été extorqués, essayait de quitter son ordre et de reprendre une vie séculaire. Une fois que le marquis quitta Paris, Diderot commença à lui envoyer des lettres se faisant passer pour la bonne sœur, qui se serait enfuie du couvent et demanderait de l’aide au marquis lui-même. Le marquis tomba dans le piège, en offrant de l’aide à la jeune femme. Cependant, quand il proposa qu’elle le rejoigne à la campagne, Diderot essaya d’abord de prendre du temps, en faisant tomber malade la fantomatique religieuse, et ensuite il décida de la tuer.

Le roman se compose de deux parties: une partie contient la vraie correspondance entre le marquis de Croismare et “la religieuse” (soit Diderot) et une autre partie, bien plus longue, contient des mémoires que “la religieuse” avait rédigées à l’intention du marquis juste avant de mourir. Ce sont ces mémoires qui représentent le cœur de l’ouvrage.

La religieuse Suzanne Simonin est le personnage principal, et aussi l’unique narrateur, du moins dans la partie des mémoires (puisque dans la correspondance on trouve aussi le marquis, une fantomatique dame qui aurait assisté la “religieuse” et Diderot lui-même, qui présente le récit).

Elle explique son histoire d’enfant illégitime, placé de force au couvent pour ne pas porter préjudice aux enfants légitimes (ses demies-sœurs). Une fois au couvent, elle rencontrera plusieurs personnages usés et névrosés par la vie communautaire, et tout particulièrement ses mères supérieures.

Diderot avait l’expérience des méfaits de la vie religieuse, puisque sa sœur était devenue folle et morte au couvent, et li avait  lui aussi été enfermé au couvent pendant sa jeunesse; il profite donc du monologue de Suzanne pour s’élever contre les perversion que la vie monastique instille dans l’âme des gens - et cela, bien évidemment, depuis son point de vue d’homme des Lumières.

Ainsi, Suzanne rencontre d’abord une mère supérieure “illuminée”, en proie à des délires mystiques et qui s’auto-convainc d’avoir la foi et une relation privilégiée avec Dieu. Suite à sa mort par folie, causée par une crise spirituelle, Suzanne connait un deuxième couvent et une deuxième mère spirituelle: elle est sadique et superstitieuse, et elle mortifie la chair et le corps des bonnes sœurs à l’aide du cilice et d’autres instruments. Finalement, ayant appelé l’évêque au secours, Suzanne réussit à migrer vers un troisième couvent et là elle connait sa troisième mère supérieure, qui s’entoure d’un véritable harem de jeunes nonnes et essaye de séduire la naïve héroïne. Quand finalement elle s’enfuit, elle doit se cacher mais elle goute un petit peu à la liberté, bien que seulement pour une très courte durée: elle tombe malade et elle meurt peu après (faute de pouvoir rejoindre le marquis à la campagne en chair et en os!).

L’œuvre peut être analysée à plusieurs niveaux. Tout d’abord, la qualité de la narration est excellente: les descriptions sont abondantes et touchantes, mais jamais excessives; les dialogues permettent à d’autres personnages de prendre la parole, et enrichissent le nombre de points de vue présents dans le roman; finalement, les réflexions de Suzanne permettent à Diderot de se manifester lui-même et d’exprimer ses idées philosophiques anticléricales et libertaires.

Ces réflexions prêtées à Suzanne la caractérisent comme un personnage particulièrement complexe. Si elle possède presque entièrement des caractéristiques que Diderot et les hommes de l’époque considèrent exclusivement féminines (elle est volubile, irrationnelle, naïve, fragile), elle a parfois des moments de lucidité et d’extrême rationalité…qu’elle n’ose toutefois pas assumer jusqu’au bout, et en tout cas jamais sans un support masculin. Pour cette raison, le roman n’est pas seulement une belle œuvre de fiction, mais aussi une bonne source pour analyser la construction sociale du genre.

Diderot ne nous fournit cependant pas seulement de la matière sur le genre, mais aussi sur la construction sociale de la sexualité. En effet, toute une partie des mémoires de Suzanne contient la description minutieuse de ce que Michel Foucault et d’autres auraient identifié, deux siècles plus tard, comme la surveillance et la disciplinarisation des corps (voir ici par exemple). En effet, quel meilleur endroit que les couvents pour dresser les corps et les surveiller?


Panopticon

Plan du Panoptique par Jeremy Bentham. Il s’agit du modèle idéal de structure de surveillance à la fin du XVIIIe siècle

Ce processus va plus loin que le corps, jusqu’à pénétrer l’esprit des surveillés par une microphysique du pouvoir, à l’œuvre dans des dispositifs (ou devrait-on les appeler des rituels) tels l’aveu, la confession etc. Or, dans le roman de Diderot, on observe ces mécanismes en action: par exemple, l’aveu sur l’adultère de sa mère, opportunément filtré par les hiérarchies religieuses, convainc Suzanne à rentrer au couvent; ce sont encore des aveux sur la nature des sentiments de la mère supérieure qui mettent en discussion leur relation, après avoir été analysés et disséqués par des tierces personnes.

Ces étapes  vers l’aveu, la médiation d’un expert (confesseur ou autre) et l’introspection médiatisée par les instruments de l’experts (par exemple par les notions religieuses) sont exactement celles décrites par Michel Foucault dans Histoire de la Sexualité I: La volonté de savoir (pour avoir un résumé de ce livre agrémenté de citations, écrivez-moi)… Et ce n’est sans doute pas un hasard si “La religieuse” est l’une des sources sur lesquelles Foucault s’appuie pour construire sa théorie sur la construction sociale de la sexualité!

Tout en s’inspirant du romancier anglais Samuel Richardson, qu’il admire, Diderot mène aussi un discours anticipateur des fondements des sciences sociales. En effet, Diderot ne dénigre et ne se moque pas de la religion ou d’autres comportements qu’il juge irrationnels (et d’autant plus lointains de on point de vue qu’il est pleinement intégré dans les Lumières): il essaye de les comprendre (même si ce n’est que pour mieux les combattre), dans une démarche qui n’est pas sans rappeler la sociologie compréhensive de Max Weber.

Diderot donc ne se contente pas d’écrire un roman: il veut raconter comment certains parcours individuels sont, au final, socialement construits. Il ne veut pas imposer son point de vue de philosophe de manière déconnectée de la réalité, mais il exploite un récit vraisemblable pour rendre la réalité intelligible au lecteur et ainsi faire mieux accepter sa réflexion philosophique. Pour ce faire il maquille la réalité de manière consciente, et il le revendique. Puisqu’on a déjà traité de la limite entre la réalité et la fiction dans la création littéraire quelques temps en arrière, il me semble intéressant de reporter ici quelques propos de Diderot lui-même à ce propos:

Le monde où nous vivons est le lieu de la scène; le fond de son drame est vrai; ses personnages ont toute la réalité possible; ses caractères sont pris du milieu de la société; ses incidents sont dans les moeurs de toutes les nations policées; les passions qu’il peint sont telles que je les éprouve en moi; ce sont les mêmes objets qui les émeuvent, elles ont l’énergie que je leur connais; les traverses et les afflictions de ses personnages sont de la nature de celles qui me menacent sans cesse; il me montre le cours général des choses qui m’environnent. Sans cet art, mon âme se pliant avec peine à des biais chimériques, l’illusion ne serait que momentanée, et l’impression faible et passagère.” (p. 292)

Au diable le conte et le conteur historiques! c’est un menteur plat et froid. – Oui, s’il ne sait pas son métier. Celui-ci se propose de vous tromper; il est assis au coin de votre âtre; il a pour objet la vérité rigoureuse; il veut être cru; il veut intéresser, toucher, entrainer, émouvoir, faire frissonner la peau et couler les larmes; effets qu’on n’obtient point sans éloquence et sans poésie.” (p. 295)

En somme, il s’agit d’un ouvrage beau, riche et enrichissant, et particulier, dont je vous recommande vivement la lecture. Pour avoir un aperçu de ce que vous allez trouver en le feuilletant, en voici un extrait.

Je m’arrangeai dans ma cellule; j’assistai à l’office du soir, au souper, à la récréation qui suivit. Quelques religieuses s’approchèrent de moi, d’autres s’en éloignèrent; celles-là comptaient sur ma protection auprès de la supérieure; celles-ci étaient déjà alarmées de la protection qu’elle m’avait accordée. Ces premiers moments se passèrent en éloges réciproques, en questions sur la maison que j’avais quitté, en essais de mon caractère, de mes inclinations, de mes gouts, de mon esprit; on vous tâte partout; c’est une suite de petites embuches qu’on vous tend, et d’où l’on tire les conséquences les plus justes. Par exemple, on jette un mot de médisance, et l’on vous regarde; on entame une histoire, et l’on attend que vous en demandiez la suite, ou que vous la laissiez; si vous dites un mot ordinaire, on le trouve charmant, quoiqu’on sache bien qu’il n’en est rien; on vous loue ou  l’on vous blâme à dessein; on cherche à démêler vos pensées les plus secrètes; on vous interroge sur vos lectures; on vous offre des livres sacrés et profanes; on remarque votre choix; on vous invite à des légères infractions à la règle; on vous fait des confidences, on vous jette des mots sur les travers de la supérieure: tout se recueille et se redit; on vous quitte, on vous reprend; on sonde vos sentiments sur les mœurs, sur la piété, sur le monde sur la religion, sur la vie monastique, sur tout. Il résulte de ces expériences réitérées une épithète qui vous caractérise, et qu’on attache en surnom à celui que vous portez; ainsi je fus appelée Sainte-Suzanne la réservée.” (pp. 169-170)

Pour nous quitter, voici une chanson que j’aime bien et où il est fait mention d’une bonne sœur ainsi que d’une mère supérieure (pas facile de trouver de chansons sur le sujet!): Vertige de l’amour du français Alain Bashung. Bonne route!

Alain Bashung, Vertige de l’amour

dimanche 4 décembre 2011

Sécuri-sexe

En occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida, qui a eu lieu jeudi dernier, nous avons été bombardés un peu de partout de messages concernant le VIH, sa transmission et les progrès des trithérapies. Après avoir lu la presse, écouté la télé et résisté aux réclames demandant des dons généreux et promptes, il m’est arrivé d’aller au supermarché, et même là j’ai trouvé des jolies jeunes filles, la quinzaine, arborant des grands sourires et distribuant gratuitement des petits rubans rouges (en faite, la grande majorité des gens autour de moi jeudi soir exposaient fièrement leur ruban sur les vestes, les sacs ou même les pantalons).

C’est quand même surprenant cette tendance moutonnière de l’être humain: se sentir concerné par quelque chose un jour par année, de 17h00 (heure à laquelle on sort du supermarché) à 20h00 (quand on enlève la veste avec le ruban et on enfile sa robe de chambre). En fin de compte, on a bien l’impression que l’important n’est pas qu’on se protège contre le SIDA, pour en bloquer l’avancée, mais juste qu’on “se sente concernés” (c’est pourquoi ils distribuent des rubans, et non pas des capotes).

En tout cas, malgré l’hypocrisie du ruban, pratiquement tous les médias ont insisté un peu sur la protection, rappelant l’existence des préservatifs et l’importance de leur utilisation (partout sauf en Italie, comme toujours). Cependant, là aussi il y a de quoi critiquer: la prévention est toujours et uniquement liée au condom, et de ce fait:
  1. le choix et la responsabilité pour la protection sont déclinés au masculins actif, de par la nature même du dispositif de protection;
  2. la relation sexuelle est envisagée dans une optique phallocentrique, ce qui bien évidemment laisse de côté nombre de possibilités alternatives.
Constatant ces deux manques dans les discours médiatiques, j’ai décidé de saisir l’occasion pour dire deux mots à propos du “safe sex”, soit ce qui se traduit en français par “sécuri-sexe” ou “relations sexuelles protégés”. Je ne vais donc pas parler de capote anglaise, elle est déjà très bien présentée ailleurs. Par contre, j’aimerais approfondir les points mentionnés ci-dessus.

La première question est celle de la responsabilité pour la protection, qui peut désormais être endossée aussi par la femme grâce à la création du femidom (ou préservatif féminin), disponible sur le marché depuis les années 1990 et encore peu connu (probablement parce qu’il ne semble pas très glamour).


Tout savoir sur le préservatif féminin ! par mairiedeparis

En Suisse il peut être acheté à 0.95 CHF/pièce à l’Aide Suisse contre le Sida et en pharmacie, il est parfois distribué gratuitement dans les milieux associatifs; en France il peut être acheté en pharmacie (prix: 2 à 3 euros/pièce) et il est distribué gratuitement dans les milieux associatifs, les centres de planification familiale, les centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG).

Le deuxième point est que non toutes les relations sexuelles incluent une pénétration ni même la présence d’un membre viril. Or, bien que dans ces cas le risque de contracter le VIH ou une autre IST soit moins important, il est présent. Des protections existent pour ces cas de figure, mais elles ne sont pas souvent mentionnées ni bien connues. Sans en faire une liste exhaustive, je vais me contenter de citer les dental dams, ou digues dentaires, qui permettent de limiter les risques en cas de contacts bucco-génitaux. En Suisse, les dental dams peuvent être achetées à l’Aide Suisse contre le sida pour 2.65 CHF/pièce ou en pharmacie; en France, on peut les acheter en pharmacie. Des autres méthodes de protection contre les IST et le VIH existent; il s’agit principalement de mesures hygiéniques concernant les mains et la peau en général et des éventuels objets (plus d’informations ici et ici).

Nous voici arrivés à la fin. Il a été difficile de trouver une chanson pour clore ce post, puisqu’il n’en existe pas beaucoup sur le sujet et, qui plus est, la plupart d’entre elles sont trop “gnan-gnan” (comme dirait S.L. Clignement d'œil). Je me suis enfin décidée pour “Protège-moi” des Placebo, dont je ne vais toutefois pas vous proposer le clip original, que je trouve pornographique et à la limite de la décence, mais une vidéo tirée d’un de leurs concerts parisiens. Bonne route!

Placebo, Protège-moi

samedi 24 septembre 2011

Une tempête gaie déferle sur l’Italie

Entre les déboires financières et les frasques “fêtardes” du gouvernement Berlusconi (putes, drogue et rock ’n roll”), quelques semaines en arrière en Italie on a beaucoup parlé du rejet de la loi contre l’homophobie. En riposte, une liste de outing a été diffusée par certains activistes, contenant les noms d’une dizaine de politiciens italiens ayant pris des positions homophobes par le passé. Cette liste, publiée hier, a fait beaucoup parler, surtout sur le net et les commentateurs n’ont pas hésité à discuter d’un éclatement de la communauté LGBTQ du pays (voir ici, ici et  ici pour un résumé en français). En partageant l’avis d’un ami, Aurelio Mancuso, et en ayant assisté à des nombreuses prises de position plus ou moins critiques de la part d’amis et de connaissances plus ou moins proches (en italien: Anna Paola  Concia, Imma Battaglia, Paolo Patané, Alessandro Capriccioli; en français: Nicola Accardo), j’ai finalement décidé de m’exprimer sur le sujet. Voici donc une série de remarques avancées par les contestataires de cette forme d’action, suivies par mes commentaires.
1. Les listes sont fascistes
Ceci ne veut rien dire. Les listes de proscription du temps des romains, ainsi que les listes d’ennemis politiques pendant les dictatures (par exemple de type fasciste) avaient comme but l’épuration et l’élimination de ces personnes, donc quelque chose d’abominable. La liste de outing, au contraire, a un but citoyen, qui est de vérifier la cohérence entre les propos et le style de vie des politiciens élus. Personne ne trouverait rien à redire si on diffusait une liste de dirigeants d’un parti ouvrier aux revenus millionnaires, ou d’exposants d’un parti écologiste roulant en 4X4. Donc, les listes de gens ne sont pas plus nocives que les listes des courses, il faut juste voir pourquoi on les a rédigées et comment on les utilise.
2. La liste viole la privacité de ces braves gens
Ces “braves gens” ont assumé des positions violentes et discriminatoires par le passé et ils ont contribué à discriminer une partie de la population à travers leur (in)action législatrice. De ce fait, ils ont fait de l’orientation sexuelle des autres une question publique et politique. Or, il est du ressort de l’électeur de vérifier l’honnêteté de ses représentants…et cette honnêteté inclût toutes les questions que les politiciens touchent par leurs discours, agissements et/ou omissions. Donc, si on est tout à fait d’accord que les choix sexuelles des citoyens comme vous et moi ne concernent que l’individu et n’ont pas à être dévoilées par d’autres voies que par choix personnel (coming out), tous les choix privés des politiciens sur des thématiques Y deviennent des sujets d’intérêt public (et perdent de ce fait toutes les prérogatives liées à la sphère privée) si ce sont les mêmes élus qui prennent des décisions sur ces thématiques Y.
3. Ce sont des insultes infamantes et violentes
Cette affirmation est la perle des perles, surtout venant d’activistes de la communauté LGBTQ. Si les mouvements se battent pour qu’une loi contre l’homophobie soit approuvée, c’est exactement pour que certaines affirmations cessent d’être perçues comme des insultes, encore plus comme infamantes ou violentes. Ainsi, qui soutiendrait que la phrase “Sarkozy est hétérosexuel” équivaut à une insulte infamante envers le président français? Si on croit qu’il s’agit d’une insulte, c’est probablement parce qu’on a tendance à la percevoir (voire à l’utiliser) en tant que telle. Mon conseil pour les militants qui ont proféré cette ânerie est alors de commencer un travail sur soi, tous seuls comme des grands ou avec un bon psy…après quelques séances ça devrait déjà aller mieux!
4. C’est une action violente et nous on est pour la non-violence
Depuis les temps de Gandhi et de Martin Luther King être contre la non violence en terrain de lutte politique est un concept communément accepté et partagé, donc je ne peux qu’’être d’accord (quoique on rencontre toujours des exceptions où la violence voire la lutte armée est justifiable, mais ce n’est pas le cas ici et ça mériterait en tout cas un autre post). Donc, je suis tout à fait d’accord avec les tenants de la non-violence. Cependant, il faudrait que, au vu du point 3, les militants qui ont soutenu cet argumentaire m’expliquent en quoi la diffusion de dix noms est plus violente que la négation de certains droits civiques, que la stigmatisation et la moquerie quotidienne sur les médias et les passages à tabac eux aussi quotidiens…violences que les affirmations et les agissements d’une certaine partie de la classe politique italienne contribuent à encourager.
5. Ca va éloigner la communauté LGBTQ du reste de la population
Quelques années en arrière, en parlant d’Edith Cresson, le politicien français André Santini avait affirmé: “A force de descendre dans les sondages, elle va finir par trouver du pétrole”. Dans notre cas, au pétrole on y est déjà, donc il serait bien difficile de descendre encore plus bas (sauf à se retrouver en Australie). Après une action coup de poing telle que celle dont on parle, au mieux les choses vont bouger et s’améliorer, et au pire elles vont rester telles quelles. Victimes d’une mentalité catholique et des codes moraux qui vont avec, certains militants vont pousser le principe du “tendre l’autre joue” jusqu’à ce que ce ne soit plus que du pur masochisme. Or, arrêtez de vous faire du mal et répondez aux arguments par des argument, sans avoir peur de la discussion. Des fois il faut oser s’imposer et les militants devraient avoir à cœur l’intérêt de leur communauté avant de préserver leur arrière cour et leur petite vie tranquille (si on veut faire ça, on ne milite pas!)…ce n’est sans doute pas en évitant la confrontation qu’on peut atteindre un consensus!
Pour nous quitter voici un grand classique en thème avec l’article, qui n’a presque pas besoin de présentations, YMCA des Village People (la rigolade relative à la choré détendra l’atmosphère après les propos incendiaires…).
Sur cela, rien à voir, mais notre petit sac à dos est presque bouclé pour aller à la Fête des Vendanges de Neuchâtel (en plus cet année c’est le Millénaire de la ville, donc on se réjouit déjà du spectacle et du bon vin!!!). Bon week-end (arrosé) à tous et bonne route!
P.S.: Un grand merci à S. pour le support grammatical et philosophique! =)