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mercredi 6 juillet 2011

La nutrigénomique dans notre assiette #2 – L’apéro

Après le post sur “La nutrigénomique dans notre assiette”, j’étais invitée hier à l’apéro pour fêter la parution de l’ouvrage. C’était la première fois que je visitais le bâtiment “Génopode” sur le campus de l’Unil, qui est très particulier, puisque on voit dès qu’on rentre des labos, des blouses et des machines diverses.

Image de carte

Ca a été l’occasion pour rencontrer les auteurs du livre, le professeur Walter Wahli et sa collaboratrice Nathalie Constantin, et les personnes qui travaillent avec eux. C’est une belle équipe de scientifiques sympathiques et motivés, qui ont essayé de m’expliquer leurs champs de recherche avec une grande clarté et aussi pas mal de patience (vu mon ignorance en matière des “sciences dures” :-) ).

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L’ouvrage de Wahli et Constantin est née suite à deux articles (1, 2) publiés sur le Swiss Medical Forum en 2009, qui ont donné aux auteurs l’idée d’écrire un livre de vulgarisation sur la nutrigénomique. En plus du livre, pour les étudiants en Biologie et Médecine il existe à l’Unil depuis le semestre de printemps 2011 un cours dédié à cette discipline.
Ce qui est sûr est que, dans un monde toujours plus inquiet par rapport à l’alimentation (on est arrivé cette semaine à ouvrir un social network entièrement dédié à la nourriture!) et de plus en plus fasciné par la génétique, on va sans doute entendre beaucoup parler de la nutrigénomique dans le futur!
Pour rester en thème alimentaire et pour nous quitter en musique, comme toujours, voici “Strawberries”, des new-yorkais Asobi Seksu. Bonne route!

dimanche 5 juin 2011

La nutrigénomique dans notre assiette

Revue de: Wahli, W. et Constantin, N. (2011) La nutrigénomique dans votre assiette: “Les gènes ont aussi leur part du gâteau…. Bruxelles: De Boeck, 212 pp.


Depuis l’antiquité, on connait l’importance de la nourriture sur l’organisme humain et sa santé; au fil des siècles différentes théories à ce propos se sont succédées, jusqu’au fameux dicton “Dis-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es” du savoyard Anthelme Brillat-Savarin (Physiologie du goût), qui remonte au XIXe siècle.

Au cours du XXe siècle des nombreuse théories plus ou moins fondées sur les bienfaits ou méfaits de certains aliments, régimes ou pratiques se sont développées, proposant tout et n’importe quoi. Ainsi, pendant que les troubles alimentaires faisaient des ravages, le rapport à la nourriture de l’homme contemporain est devenu tellement problématique que certains en sont à s’alimenter par sonde nasale (?! voir 1 et 2) et même une nouvelle maladie s’est développée, l’orthorexie ou “obsession de rectitude alimentaire” (voir 3 et 4).

Bien que je ne sois pas orthorexique, je reste quand même concernée par la qualité de ce que je mange et les effets que cela pourrait avoir sur mon bien-être. Quand j’ai appris la publication du dernier ouvrage du professeur Walter Wahli et de Nathalie Constantin, “La nutrigénomique dans votre assiette: “Les gènes ont aussi leur part du gâteau…”, donc, je ne pouvais pas rester indifférente et je l’ai acheté dès qu’il est arrivé chez Payot.

Il s’agit d’un texte de vulgarisation pas trop long (200 pages environ) qui, en sept chapitres riches en images et en exemples, s’attache à expliquer (même aux moins doués en chimie et biologie) comment marchent les cellules, qu’est-ce que c’est qu’un brin d’ADN ou d’ARNm et, surtout, quelle est leur relation avec la nourriture et quel est le rôle de la nutrigénomique en tout ça.

Après un 1er chapitre qui dresse une courte histoire de l’alimentation, dans le 2ème chapitre de l’ouvrage Wahli et Costantin nous expliquent que la nutrigénomique est une science récente (elle est apparue dans la littérature en 2002) et elle peut être définie comme la discipline qui “étudie les effets des nutriments sur le génome dans son entier et sur les changements métaboliques qui en découlent, y compris leur impact sur la santé” (p. 33).

En effet, dans le 3ème chapitre nous apprenons que non seulement nos gènes et leurs variations (par exemples les SNPs) influencent la façon dont nous réagissons à certains types d’aliments, mais l’inverse est aussi vrai. Plus précisément, certaines substances contenues dans les aliments peuvent contrôler l’expression des gènes (même sans en modifier la structure). En plus, ils peuvent modifier la “forme” des histones (qui sont les structures sur lesquelles les brins d’ADN s’enroulent) et en dernière instance aussi la forme de l’ADN, influençant par exemple l’expression de certains gènes. Enfin, l’absorption ou pas de certains micronutriments a une influence sur la capacité des cellules de lutter contre des éléments induisant des modifications du génome (voir par exemple 5). Ce dernier phénomène est tellement important que les auteurs affirment: “On pense actuellement que les dommages causés au génome suite à des carences ou à des excès de micronutriments sont du même ordre d’importance que les dommages infligés par l’exposition à des radiations UV ou à des substances chimiques carcinogènes” (p. 75).

Dans le chapitre 4, les auteurs nous présentent l’évolution et l’état actuel des technologies qui permettent à la nutrigénomique d’avancer, comme les méthodes de séquençage de l’ADN, les techniques de comparaison d’ADN, les outils de la protéomique et de la métabolomique. Si vous y connaissez déjà quelque chose et PCR ou électrophorèse ont une signification autre que “des mots au son barbare” pour vos oreilles, ce chapitre sera une lecture agréable, puisque il explique très clairement des concepts qui sont parfois difficiles dans les manuels… et si vous n’y connaissez rien, la bonne nouvelle est que, en accord avec l’article 2 de la Charte des droits du lecteur de Daniel Pennac, vous pouvez passer directement au chapitre 5! 

Le chapitre 5 s’intéresse au rôle préventif, diagnostic et thérapeutique de la nutrigénétique et de la nutrigénomique aussi bien pour les particuliers que dans la santé publique. Un concept central, qui revient à plusieurs reprises dans le livre, est l’importance d’élaborer des recommandations nutritionnelles qui ne soient pas trop individualisées, mais communautaires et spécifiques pour certains sous-groupes de la population ayant des caractéristiques similaires. Il est aussi souligné que des bonnes interventions nutrigénomiques doivent se faire en alliance avec les avancées pharmacogénomiques et des actions sur l’environnement des individus et leurs habitudes de vie. Une bonne illustration des applications pratiques de la nutrigénomique est fournie par la dernière section du chapitre, qui traite des personnes âgées et de leurs besoins nutritionnels, qui doivent être considérés ensemble à leurs prises de médicaments et au contexte dans lequel elles vivent.

Le 6ème chapitre présente les enjeux futurs de la nutrigénomique dans l’aide alimentaire et dans le développement de nouvelles espèces végétales. Un rôle essentiel de la nutrigénomique est d’être une discipline pouvant définir des nouveaux principes pour un élevage et une agriculture de qualité (puisque les animaux et les plantes seraient nourris en fonction de leur génome).Un autre aspect pris en considération est l’application de la nutrigénomique dans le secteur de la industrie agroalimentaire, par exemple comme innovation permettant l’accès à des vastes part de marché. En effet, bien avant la nutrigénomique, dans les années 1920 les avancées en sciences de la nutrition et en sciences et technologies alimentaires avaient permis l’introduction du sel iodé, suivi de nos jours par les pommes de terre au sélénium et beaucoup d’autres aliments “fortifiés” – pour une liste voir ici

Enfin, le 7ème et dernier chapitre illustre les principaux enjeux bioéthiques et les problématiques sociales mis en avant par les avancées dans le champ de la nutrigénomique, comme par exemple la gestion des données génétiques étudiées (surtout en cas d’utilisation de la part de cabinets privés), la possibilité de conduire des tests à grande échelle, la réglementation du marché des tests génétiques, les droits des patients et le potentiel passage d’une responsabilité sanitaire sociale à une responsabilité sanitaire individuelle (cf. 6).

Ce dernier chapitre est suivi par les conclusions, qui rappellent que l’alimentation n’est qu’un parmi les éléments constitutifs du bien-être et qui identifient en l’interdisciplinarité un atout majeur de cette discipline.
En conclusion, il s’agit d’un ouvrage bien écrit et très clair, qui présente ses arguments de manière très pédagogique et pas du tout dogmatique. Tout un domaine du savoir est expliqué point par point, brique après brique et ceci a le mérite de rendre les connaissances actuelles sur l’alimentation accessibles à tout le monde, même à tous ceux qui ne sont pas des professionnelles. La mission de ce livre de vulgarisation est accomplie!
Je vous conseille donc la lecture de cet ouvrage, qui non seulement vous permettra de connaître une discipline nouvelle et passionnante, mais rafraichira aussi vos connaissances sur l’ADN, l’ARN, les cellules…bref, tous ces petits constituant de nos corps qu’on a un peu tendance à oublier dès qu’on est sorti du lycée (en tout cas, si on n’étudie pas cela par la suite!).

Sur cela, voici comme d’habitude un peu de bonne musique…”alimentaire”: il s’agit de “Savoy Truffle” des Beatles, chanson dédiée par George Harrison à l’addiction aux chocolats de Eric Clapton. Bonne route!