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mardi 10 janvier 2012

La religieuse

En vacances j’ai finalement le temps de lire un peu…et, si je considère les livres qui attendent d’être feuilletés, je n’ai que l’embarras du choix. Puisqu’il faut bien commencer quelque part, j’ai choisi “La religieuse”, une œuvre réalisée à la fin du XVIIIe siècle par Denis Diderot et devenue désormais un classique de la littérature française.

Diderot, Denis (2000) La religieuse. Paris: Librairie Générale Française, 319 pp.



L’écrivain et philosophe français (qui était par ailleurs né le même jour que moi, bien que dans un autre siècle) est plus connu pour l’Encyclopédie et pour son rôle majeur dans le mouvement des Lumières que pour ce petit roman dont je vais parler.

Louis-Michel_van_Loo_001Portrait de Denis Diderot, par Louis-Michel Van Loo (1767)
613px-Marc-Antoine-Nicolas_Croismare

Marc-Antoin-Nicolas de Croismare dans une gravure de Charles-Nicolas Cochin

Il s’agit d’une œuvre dont la réalisation est drôle et bizarre. Diderot et son entourage avaient un ami, le marquis de Croismare, qui avait quitté Paris et était parti à la campagne pour quelques temps; pour le convaincre à retourner dans la capitale, Diderot et ses amis avaient imaginé une histoire assez alambiquée.

En effet, quelques temps auparavant, ledit marquis s’était intéressé à l’histoire d’une bonne sœur qui, se plaignant du fait que ses vœux lui avaient été extorqués, essayait de quitter son ordre et de reprendre une vie séculaire. Une fois que le marquis quitta Paris, Diderot commença à lui envoyer des lettres se faisant passer pour la bonne sœur, qui se serait enfuie du couvent et demanderait de l’aide au marquis lui-même. Le marquis tomba dans le piège, en offrant de l’aide à la jeune femme. Cependant, quand il proposa qu’elle le rejoigne à la campagne, Diderot essaya d’abord de prendre du temps, en faisant tomber malade la fantomatique religieuse, et ensuite il décida de la tuer.

Le roman se compose de deux parties: une partie contient la vraie correspondance entre le marquis de Croismare et “la religieuse” (soit Diderot) et une autre partie, bien plus longue, contient des mémoires que “la religieuse” avait rédigées à l’intention du marquis juste avant de mourir. Ce sont ces mémoires qui représentent le cœur de l’ouvrage.

La religieuse Suzanne Simonin est le personnage principal, et aussi l’unique narrateur, du moins dans la partie des mémoires (puisque dans la correspondance on trouve aussi le marquis, une fantomatique dame qui aurait assisté la “religieuse” et Diderot lui-même, qui présente le récit).

Elle explique son histoire d’enfant illégitime, placé de force au couvent pour ne pas porter préjudice aux enfants légitimes (ses demies-sœurs). Une fois au couvent, elle rencontrera plusieurs personnages usés et névrosés par la vie communautaire, et tout particulièrement ses mères supérieures.

Diderot avait l’expérience des méfaits de la vie religieuse, puisque sa sœur était devenue folle et morte au couvent, et li avait  lui aussi été enfermé au couvent pendant sa jeunesse; il profite donc du monologue de Suzanne pour s’élever contre les perversion que la vie monastique instille dans l’âme des gens - et cela, bien évidemment, depuis son point de vue d’homme des Lumières.

Ainsi, Suzanne rencontre d’abord une mère supérieure “illuminée”, en proie à des délires mystiques et qui s’auto-convainc d’avoir la foi et une relation privilégiée avec Dieu. Suite à sa mort par folie, causée par une crise spirituelle, Suzanne connait un deuxième couvent et une deuxième mère spirituelle: elle est sadique et superstitieuse, et elle mortifie la chair et le corps des bonnes sœurs à l’aide du cilice et d’autres instruments. Finalement, ayant appelé l’évêque au secours, Suzanne réussit à migrer vers un troisième couvent et là elle connait sa troisième mère supérieure, qui s’entoure d’un véritable harem de jeunes nonnes et essaye de séduire la naïve héroïne. Quand finalement elle s’enfuit, elle doit se cacher mais elle goute un petit peu à la liberté, bien que seulement pour une très courte durée: elle tombe malade et elle meurt peu après (faute de pouvoir rejoindre le marquis à la campagne en chair et en os!).

L’œuvre peut être analysée à plusieurs niveaux. Tout d’abord, la qualité de la narration est excellente: les descriptions sont abondantes et touchantes, mais jamais excessives; les dialogues permettent à d’autres personnages de prendre la parole, et enrichissent le nombre de points de vue présents dans le roman; finalement, les réflexions de Suzanne permettent à Diderot de se manifester lui-même et d’exprimer ses idées philosophiques anticléricales et libertaires.

Ces réflexions prêtées à Suzanne la caractérisent comme un personnage particulièrement complexe. Si elle possède presque entièrement des caractéristiques que Diderot et les hommes de l’époque considèrent exclusivement féminines (elle est volubile, irrationnelle, naïve, fragile), elle a parfois des moments de lucidité et d’extrême rationalité…qu’elle n’ose toutefois pas assumer jusqu’au bout, et en tout cas jamais sans un support masculin. Pour cette raison, le roman n’est pas seulement une belle œuvre de fiction, mais aussi une bonne source pour analyser la construction sociale du genre.

Diderot ne nous fournit cependant pas seulement de la matière sur le genre, mais aussi sur la construction sociale de la sexualité. En effet, toute une partie des mémoires de Suzanne contient la description minutieuse de ce que Michel Foucault et d’autres auraient identifié, deux siècles plus tard, comme la surveillance et la disciplinarisation des corps (voir ici par exemple). En effet, quel meilleur endroit que les couvents pour dresser les corps et les surveiller?


Panopticon

Plan du Panoptique par Jeremy Bentham. Il s’agit du modèle idéal de structure de surveillance à la fin du XVIIIe siècle

Ce processus va plus loin que le corps, jusqu’à pénétrer l’esprit des surveillés par une microphysique du pouvoir, à l’œuvre dans des dispositifs (ou devrait-on les appeler des rituels) tels l’aveu, la confession etc. Or, dans le roman de Diderot, on observe ces mécanismes en action: par exemple, l’aveu sur l’adultère de sa mère, opportunément filtré par les hiérarchies religieuses, convainc Suzanne à rentrer au couvent; ce sont encore des aveux sur la nature des sentiments de la mère supérieure qui mettent en discussion leur relation, après avoir été analysés et disséqués par des tierces personnes.

Ces étapes  vers l’aveu, la médiation d’un expert (confesseur ou autre) et l’introspection médiatisée par les instruments de l’experts (par exemple par les notions religieuses) sont exactement celles décrites par Michel Foucault dans Histoire de la Sexualité I: La volonté de savoir (pour avoir un résumé de ce livre agrémenté de citations, écrivez-moi)… Et ce n’est sans doute pas un hasard si “La religieuse” est l’une des sources sur lesquelles Foucault s’appuie pour construire sa théorie sur la construction sociale de la sexualité!

Tout en s’inspirant du romancier anglais Samuel Richardson, qu’il admire, Diderot mène aussi un discours anticipateur des fondements des sciences sociales. En effet, Diderot ne dénigre et ne se moque pas de la religion ou d’autres comportements qu’il juge irrationnels (et d’autant plus lointains de on point de vue qu’il est pleinement intégré dans les Lumières): il essaye de les comprendre (même si ce n’est que pour mieux les combattre), dans une démarche qui n’est pas sans rappeler la sociologie compréhensive de Max Weber.

Diderot donc ne se contente pas d’écrire un roman: il veut raconter comment certains parcours individuels sont, au final, socialement construits. Il ne veut pas imposer son point de vue de philosophe de manière déconnectée de la réalité, mais il exploite un récit vraisemblable pour rendre la réalité intelligible au lecteur et ainsi faire mieux accepter sa réflexion philosophique. Pour ce faire il maquille la réalité de manière consciente, et il le revendique. Puisqu’on a déjà traité de la limite entre la réalité et la fiction dans la création littéraire quelques temps en arrière, il me semble intéressant de reporter ici quelques propos de Diderot lui-même à ce propos:

Le monde où nous vivons est le lieu de la scène; le fond de son drame est vrai; ses personnages ont toute la réalité possible; ses caractères sont pris du milieu de la société; ses incidents sont dans les moeurs de toutes les nations policées; les passions qu’il peint sont telles que je les éprouve en moi; ce sont les mêmes objets qui les émeuvent, elles ont l’énergie que je leur connais; les traverses et les afflictions de ses personnages sont de la nature de celles qui me menacent sans cesse; il me montre le cours général des choses qui m’environnent. Sans cet art, mon âme se pliant avec peine à des biais chimériques, l’illusion ne serait que momentanée, et l’impression faible et passagère.” (p. 292)

Au diable le conte et le conteur historiques! c’est un menteur plat et froid. – Oui, s’il ne sait pas son métier. Celui-ci se propose de vous tromper; il est assis au coin de votre âtre; il a pour objet la vérité rigoureuse; il veut être cru; il veut intéresser, toucher, entrainer, émouvoir, faire frissonner la peau et couler les larmes; effets qu’on n’obtient point sans éloquence et sans poésie.” (p. 295)

En somme, il s’agit d’un ouvrage beau, riche et enrichissant, et particulier, dont je vous recommande vivement la lecture. Pour avoir un aperçu de ce que vous allez trouver en le feuilletant, en voici un extrait.

Je m’arrangeai dans ma cellule; j’assistai à l’office du soir, au souper, à la récréation qui suivit. Quelques religieuses s’approchèrent de moi, d’autres s’en éloignèrent; celles-là comptaient sur ma protection auprès de la supérieure; celles-ci étaient déjà alarmées de la protection qu’elle m’avait accordée. Ces premiers moments se passèrent en éloges réciproques, en questions sur la maison que j’avais quitté, en essais de mon caractère, de mes inclinations, de mes gouts, de mon esprit; on vous tâte partout; c’est une suite de petites embuches qu’on vous tend, et d’où l’on tire les conséquences les plus justes. Par exemple, on jette un mot de médisance, et l’on vous regarde; on entame une histoire, et l’on attend que vous en demandiez la suite, ou que vous la laissiez; si vous dites un mot ordinaire, on le trouve charmant, quoiqu’on sache bien qu’il n’en est rien; on vous loue ou  l’on vous blâme à dessein; on cherche à démêler vos pensées les plus secrètes; on vous interroge sur vos lectures; on vous offre des livres sacrés et profanes; on remarque votre choix; on vous invite à des légères infractions à la règle; on vous fait des confidences, on vous jette des mots sur les travers de la supérieure: tout se recueille et se redit; on vous quitte, on vous reprend; on sonde vos sentiments sur les mœurs, sur la piété, sur le monde sur la religion, sur la vie monastique, sur tout. Il résulte de ces expériences réitérées une épithète qui vous caractérise, et qu’on attache en surnom à celui que vous portez; ainsi je fus appelée Sainte-Suzanne la réservée.” (pp. 169-170)

Pour nous quitter, voici une chanson que j’aime bien et où il est fait mention d’une bonne sœur ainsi que d’une mère supérieure (pas facile de trouver de chansons sur le sujet!): Vertige de l’amour du français Alain Bashung. Bonne route!

Alain Bashung, Vertige de l’amour

dimanche 11 décembre 2011

Le dernier testament de Ben Zion Avrohom

Il y a des personnes qui, prises par une attaque de shopping compulsif, se jettent sur la première boutique de chaussures ou le premier magasin de sacs-à-main qui croise leur route. Chez moi, ce genre d’attaques est plutôt rare, mais s’il y a un endroit où je dépenserais bien des fortunes c’est la Fnac…et ainsi quelques jours en arrière j’en suis sortie avec une nouvelle paire d’écouteurs et une copie toute fraiche du nouvel opus de James Frey, à savoir “Le dernier testament de Ben Zion Avrohom” (2011; Paris: Flammarion, 382 pp.).

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Ce bouquin à l’apparence assez particulière (on dirait qu’il y a des tâches de sang sur les bords des pages), sorti au printemps de cette année aux Etats-Unis et au Royaume uni et à la rentrée en France, n’a pas reçu que des critiques positives, tant dans les pays anglophones (voir par exemple ici, ici et ici) qu’en terre francophone (voir par exemple ici et ici).

Il faut dire que l’auteur s’était déjà mis la plupart des médias à dos en 2006, quand ils avaient découvert que de nombreuses sections de sa prétendue autobiographie étaient en réalité abondamment maquillées et “enjolivées”. Cette obsession de la “vraie vérité” me parait quelque chose sur laquelle il faudrait prendre le temps de réfléchir, puisqu’elle remet en cause le but de la littérature elle-même. Servirait-elle à relater les faits et rien que les faits, telle une agence de presse ou un procès-verbal, ou bien à donner un message à celui qui la lit, en se servant à loisir tant dans la réalité que dans la fantaisie? Je penche pour cette deuxième option. Un passage mémorable sur la relation entre l’écrivain et la vérité a d’ailleurs été écrit par Agota Kristof dans le Troisième Mensonge:
— Ce qui m’intéresse, c’est de savoir si vous écrivez des choses vraies ou des choses inventées.
Je lui réponds que j’essaie d’écrire des histoires vraies mais, à un moment donné, l’histoire devient insupportable par sa vérité même, alors je suis obligé de la changer. Je lui dis que j’essaie de raconter mon histoire, mais que je ne le peux pas, je n’en ai pas le courage, elle me fait trop mal. Alors j’embellis tout et je décris les choses non comme elles se sont passées, mais comme j’aurais voulu qu’elles se soient passées.
Elle dit :— Oui. Il y a des vies qui sont plus tristes que le plus triste des livres.
Je dis :— C’est cela. Un livre, si triste soit-il, ne peut être aussi triste qu’une vie.
Partant de ces présupposés, je considère que “mentir” est le droit de tout écrivain, qui devrait être jugé pour la qualité de ses œuvres et non pas pour leur adhérence à des évènements réellement advenus. J’ai donc lu ce “Testament”, qui a été intitulé “Le dernier testament de la sainte bible” dans sa version en anglais; voici ce que j’en pense.

Le titre nous met tout de suite au courant du contenu du livre: après l’ancien et le nouveau testament viendrait le “dernier testament”, soit celui de Ben Zion Avrohom. Ben Zion est le protagoniste du récit: une sorte de prophète des temps modernes, marquée dans l’esprit comme dans le corps par une vie triste à la limite du désespoir. Sans église ni prières, il croit en une seule religion composée d’amour libre et universel et de tolérance. Son histoire est racontée par les personnages l’ayant connu et côtoyé (dont des SDF, des anciens drogués, une prostituée qui deviendra sa compagne – ce qui n’est pas sans analogies avec la bible…), qui décrivent chacun à sa manière et dans son propre chapitre leur rencontre avec le “messie”. Bien que les différences de style entre les chapitres ne soient pas exploitées jusqu’au bout, il s’agit bien d’un récit choral ayant un certain charme. Certes, ce n’est pas de la pure théologie, mais le message du prophète est bien clair: dieu n’est pas intelligible, les églises ne sont que des manières d’opprimer les peuples et chacun devrait pouvoir vivre comme bon lui semble, pourvu qu’il aime ses prochains. En effet, dans un monde qui court à sa perte, le seul moyen de s’en sortir et d’éviter de s’auto-détruire serait de commencer à s’aimer. C’est d’ailleurs ce que le personnage fait tout au long du livre: il se balade en long et en large dans la ville de New York, faisant la connaissance tant amicale que “biblique” de nombreux disciples et changeant leurs vies; de temps en temps il “parle avec dieu” et juste après il est saisi par des attaques épileptiques d’une rare violence. Un drôle de guru, qui n’est pas sans rappeler des personnages qu’on a pu connaitre ailleurs, notamment l’invité du film “Théorème” (Pier Paolo Pasolini, 1968)…

Théorème, Pier Paolo Pasolini. Version intégrale

…ou le protagoniste de la chanson “La cattiva strada” (Fabrizio de André, 1975).

La cattiva strada, Fabrizio de André

Le livre de Frey contient des passages lyriques, qui méritent d’être lus, et  la trame est assez bien construite. Voici un exemple, extrait d’un épisode qui a comme protagonistes Ben Zion et Marc, un prêtre catholique, raconté du point de vue de Marc (pp. 248-250):
Marc: “La piété rend la vie meilleure” 
Ben Zion: “C’est l’amour et le rire et la baise qui rendent la vie meilleure. La piété fait passer le temps c’est tout” 
Je l’ai regardé, et il m’a souri. Et même si j’étais en désaccord avec tout ce qu’il disait, ou voulais l’être, sa présence physique écrasante, et le sentiment indéniable et irréfutable qu’il était divin et que, en dépit de ses dénégations, il était le Fils de Dieu, faisait que ses paroles pénétraient au cœur de mon être, et au cœur de ma foi. Il a de nouveau parlé. 
Ben Zion: “Regarde ta croix” 
J’ai dirigé mon regard vers le crucifix suspendu au dessus de l’autel. C’était une représentation réaliste du Christ. La croix et le Christ qui était dessus étaient en bois d’olivier. On voyait les clous à ses mains et à ses chevilles, et son visage était paisible, calme et serein. On voyait une couronne d’épines sur sa tête et ses yeux étaient ouverts. Le Christ lui-même était peint d’une manière que je qualifierais de réaliste, donnant la sensation que c’était une représentation proche de ce qu’était le Christ pendant la crucifixion. Je l’avais vu un nombre incalculable de fois, et m’étais tenu dessous pour célébrer la messe pendant des nombreuses années. J’avais prié devant lui, lui avais demandé conseil, l’avais supplié de m’aider, et l’avais invoqué dans les épreuves et dans la peine. Et bien qu’il fût pour moi la représentation de la Sainte Trinité et de l’Eglise catholique, ce serait mentir que de dire qu’il retenait mon attention autant que l’homme qui était à mes côtés, ou que sa présence avait le même pouvoir que la sienne. Après deux ou trois minutes , pendant lesquelles je n’ai entendu que notre souffle à nous deux, il a posé la main sur ma cuisse. J’ai ressenti immédiatement un jaillissement extrêmement puissant, qui ne pouvait être comparé à rien de ce que j’avais jamais ressenti, quelque chose qui était dans mon sang, mes os, mon cœur, et mon âme, quelque chose qui m’a littéralement coupé le souffle. Et quand je me suis tourné vers lui il s’est levé et s’est penché sur moi et a posé sur ma joue un baiser léger, gardant les lèvres contre ma joue. J’ai fermé les yeux, et je me suis senti durcir, une sensation qui me mettait plutôt mal à l’aise et à laquelle j’avais toujours résisté dans la crainte qu’elle ne m’entraine au péché, mais qui était merveilleuse, absolument et étonnamment merveilleuse. Il a gardé un moment ses lèvres contre ma joue avant de les glisser vers mon oreille, où il a murmuré. 
Ben Zion: “C’est la vie, pas la mort, qui est le grand mystère que tu dois affronter” 
Et il s’en est allé.
Malgré quelques passages bien écrits, cette œuvre ne rentrera pas dans le “Panthéon des meilleurs livres contemporains” et ceci est dû à deux fautes majeures.

Le premier défaut consiste en trop de répétitions dans les différents chapitres, tant au niveau des objets (par exemple, les yeux exceptionnellement noirs et la peau extraordinairement diaphane du protagoniste, qui reviennent à peu près dans tous les chapitres) qu’au niveau des mots utilisés. Un vocabulaire plutôt pauvre, qui s’adapte aux quartiers populaires qui servent de décor au récit, mais qu’à la longue peut être agaçant.

Le deuxième défaut concerne les longs sermons rapportés qui se trouvent eux aussi dans presque tous les chapitres. L’idée de transcrire des discours du protagoniste est en soi intéressante, mais cela devient parfois ennuyeux et excessivement redondant.

Bref, il s’agit d’un assez bon livre, mais pas d’un grand ouvrage, ni d’un bouquin parfait. Vu le sujet, on peut même dire que le verdict est assez proche de la conférence du pasteur Hendrikse de laquelle on avait parlé il y a quelques mois: intéressant, mais aurait nécessité encore du travail pour être abouti.

Pour nous quitter, voici une chanson qui me parait tout à fait adéquate, Dear God des anglais XTC. Bonne route!

Dear God, XTC

mercredi 16 novembre 2011

CQFD (ou, pour les italophones, “come volevasi dimostrare”)

La liste des ministres du gouvernement Monti a été dévoilée aujourd’hui. Voici ce qu’on n’aime pas (mention Rien-A-Signaler pour les ministres sur lesquels on n’a aucune critique à faire pour l’instant).

Corrado Passera, ministre du développement et infrastructures Banquier (Intesa Sanpaolo), il sort de l’université privée Bocconi et a une véritable expertise en la restructuration d’entreprise (dont celle de la poste italienne: 20.000 postes de travail en moins).
Paola Severino, ministre de la justice Avocat, elle enseigne à l’université privée LUISS, se trouvant sous l’aile de Confindustria (équivalent italien du MEDEF).
Lorenzo Ornaghi, ministre des biens culturels Recteur de l’Université Catholique du Sarcé Coeur, directeur de la revue catholique “Vita e pensiero”, vice-président du quotidien catholique “Avvenire”.
Renato Balduzzi, ministre de la santé Déjà conseiller juridique de plusieurs ministères par le passé, il a été président national du “Mouvement ecclésial d’engagement culturel” (anciennement “Mouvement diplômés de l’Action Catholique), il fait partie du “Mouvement International des Intellectuels Catholiques” et de l’”International Catholic Movement for Intellectual and Cultural Affairs”.
Corrado Clini, ministre de l’environnement Un médecin qui a pris sa licence en 1972, est devenu directeur de département en 1975 (! bizarre!). Il est cependant employé dans les activités du ministère de l’environnement au plan national et international depuis 1980.
Piero Gnudi, ministre du tourisme et du sport Ancien président d’ENEL (équivalent italien de EDF), membre de l’exécutif de Confindustria (équivalent italien du MEDEF), membre du conseil d’administration d’Unicredito Italiano
Pietro Giarda, ministre des rapports avec le parlement Sort de l’Université Catholique su Sacré Coeur (Milan), où il travaille. Il a déjà été membre du gouvernement dans les années 1990.
Andrea Riccardi, ministre de la coopération internationale Professeur d’historie du christianisme, il est le fondateur de la “Communauté de Sant’Egidio”, organisation de bienfaisance d’inspiration catholique. Il est un ancien membre de “Communion et Libération
(organisation de laquelle il a pris ses distances).
Francesco Profumo, ministre de l’instruction RAS (presque; le déjà président du CNR italien est en réalité membre de plusieurs conseils d’administration, dont Unicredit Private Bank et Telecom Italia).
Giulio Terzi, ministre des affaires étrangères RAS (presque; il sort du monde diplomatique mais fait partie d’une famille “noble”, dont les possessions foncières sont documentés déjà avant l’an 1000).
Elsa Fornero, ministre du welfare RAS, elle s’est toujours occupée de prévoyance et retraites. Cependant, elle collabore avec “Il Sole 24 ore”, organe de presse de Confindustria (équivalent italien du MEDEF).
Mario Catania, ministre de l’agriculture RAS, faisait déjà partie du ministère de l’agriculture, où il s’occupait de politiques européennes et internationales.
Enzo Moavero Milanesi, ministre des affaires européennes RAS, il s’est toujours occupé d’Union Européenne
Fabrizio Barca, ministre de la cohésion territoriale RAS, il s’est toujours occupé de développement régional
Giampaolo Di Paola, ministre de la défense RAS, il a une longue carrière militaire dans le domaine des sous-marins et de l’OTAN.
Anna Maria Cancellieri, ministre de l’intérieur RAS, elle sort du monde des préfectures.

Certes qu’avec ces présupposés l’Etat italien ne risque pas d’évoluer vers un modèle plus socio-démocratique. Il y a en effet tout ce qu’il faut pour que des réformes néoliberales dures, avec restructurations massives du secteur publique et coupes aux budgets sociaux se mettent en place, et cela pour des raisons évidentes. De plus, comme nous avions déjà prévu, on remarque le rôle de l’église catholique et des lobbies qui s’y rattachent dans certains des ministères attribués. Avec une telle influence du clergé, on n’est pas sortis de l’auberge non seulement pour ce qui concerne les droits civiques (par exemple le pacs), mais aussi pour ce qui est de droits bien plus fondamentaux comme celui à l’avortement (remis en discussion à cause du nombre croissant de “médecins objecteurs” un peu partout dans le service publique italien) et celui à la FIV (à propos de comment le droit à la fécondation in vitro est bafoué, par exemple à l’encontre des porteurs de maladies génétiques comme la thalassémie, voir les lignes-guide diffusées aujourd’hui même; on y reviendra prochainement).

Un gouvernement pour le peuple, et qui ait une vision au loin, n’est donc pas né ce soir et il ne va pas naitre de si-tôt, puisque apparemment Monti veut rester en place jusqu’en 2013 (sans aucune légitimité digne de ce nom, il faut le dire). Face à tout cela, on n’a qu’un désir: voir apparaitre une nouvelle classe dirigeante qui ne soit pas simplement réactive, mais qui au contraire propose un projet de société qui élève l’esprit des citoyens et le niveau de l’Etat, qui vise la création d’un Etat moderne, laïque et républicain au sens le plus noble du terme. En bref, pour le dire avec une chanson, qui Lift us up!

Pour nous quitter en beauté, voici donc “Lift me up” du new-yorkais Moby. Bonne route!

Moby, Lift me up.