samedi 25 juin 2011

La désobéissance féministe (ou “Quel est le lien entre Lady Gaga et l’enseignement obligatoire?”)

Il y a presque deux semaines, le 14 juin, c’était la journée de célébration de la vingtième grève des femmes en Suisse. Plusieurs arguments étaient sur la table, comme l’égalité salariale ou l’augmentation des postes à temps partiel et le partage de tâches domestiques. Clairement, si une grève est (peut-être) un bon moyen pour revendiquer des salaires égaux, elle a très peu d’influence sur ce que les gens font dans l’intimité de leur foyer…et employer plus de femmes dans des postes à temps partiel revient à les renfermer encore plus dans des rôles genrées subalternes.
Or, pour que les modes de vie changent en manière profonde et durable, il ne sert à rien d’imposer des idéaux (ou des idéologies): il faut juste sensibiliser les individus à la construction sociale du genre et ceci dès leur plus tendre âge, tout en leur laissant la liberté d’adopter, ensuite, le comportement qu’ils préfèrent. D’un habitus imposé et “naturalisé” on passerait donc, enfin, à un comportement choisi.
C’est ce point de vue que partage Stéphanie Pahud, maître assistante à l’Université de Lausanne et auteure du “Petit traité de désobéissance féministe”. [Pahud, S. (2011) Petit traité de désobéissance féministe. Neuchâtel: Arttesia]
L’auteur, en effet, affirme: “[cet ouvrage]…s’adresse à toutes celles et à tous ceux qui ne viennent ni de Mars, ni de Venus, mais d’”ici”, et qui ont envie de voyager librement dans les méandres d’un terrain de jeu in(dé)fini. Sa seule ambition est de questionner les représentations qui nous entourent de manière à les rendre “évidentes” et à permettre à chacune et à chacun, selon son désir, de désobéir. Ou pas.” (p.17)  
Il s’agit d’un petit livre bien écrit, idéal pour se familiariser avec le concepts de “genre” et de “construction sociale du genre” même lorsqu’on n’a jamais suivi des cours de sociologie.
Après une introduction qui présente le but de l’ouvrage, la première partie est dédiée à expliquer ce qu’est le genre (construction sociale; comme écrivait Simone de Beauvoir, “On ne nait pas femme, on le devient”) par opposition au sexe (donnée biologique) et quelles sont les différentes courants féministes (essentialiste vs. universaliste; pour plus de détails voire ici).
La deuxième partie contient une étude de cas assez classique, sur les rôles de genre tels que véhiculés par la publicité. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une approche révolutionnaire, l’étude d’affiches et autres dispositifs promotionnels est d’impact immédiat et reste un outil didactique efficace, surtout lorsque, comme c’est le cas ici, le livre s’adresse à un grand public.

Si vous n’avez pas envie de faire le déplacement jusqu’à Payot ou à une bibliothèque pour vous procurer le bouquin, voici quelques sites internet qui présentent des études de cas semblables (1, 2, 3).
Si jamais, ici en bas vous pouvez aussi visionner une conférence de Jean Kilbourne sur la construction des genres féminin et masculin dans les annonces publicitaires.

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La troisième partie présente une deuxième étude de cas, plus novatrice et insérée dans le contexte local, qui est dédiée à la politique suisse et plus particulièrement aux élections au Conseil Fédéral et au traitement réservé par la presse aux politiciennes helvétiques (une partie de cette analyse se retrouve ici).
Enfin, la quatrième partie contient une série d’interventions de nombreuses personnalités (environ 50) plus ou moins connues à l’échelle régionale, nationale et francophone et appartenant surtout au monde journalistique, politique et académique (comme Darius Rochebin, Martina Chyba, Oskar Freysinger ou Salika Wegner), avec les réponses à la question “Etes-vous féministe?”. Les arguments avancés sont variés et plus ou moins engagés. En effet, bien qu’une très large majorité se dise en faveur de l’égalité de droits, la plupart des intervenants adoptent un féminisme modéré et édulcoré. Si, du moins partiellement, ceci a sans doute à faire avec la culture politique du consensus, qui se traduit en une profonde méfiance envers les positions “extrêmes”, en lisant les arguments avancés on se rend compte du perdurer des convictions essentialistes chez la plus grande partie de l’échantillon. Ainsi, la “féminité” est encore perçue par beaucoup comme une composante intrinsèque de la “femme”…ce qui démontre que le chemin à faire pour que le genre soit universellement perçu comme construction sociale est encor long!
On arrive donc à la question du titre, à savoir: quel est le lien entre Lady Gaga et l’enseignement obligatoire? Ce lien est la construction sociale du genre, telle qu’elle est faite dans nos sociétés “libérales”!
Malheureusement en effet, malgré le fait que dans nos pays occidentaux et démocratiques la condition féminine ne soit pas si dramatique comme ailleurs (voire 1, 2, 3), on dénie souvent aux femmes le droit de contrôler leur corps ou de développer des caractères audacieux, battants, décidés et pragmatiques.
Cette construction dominante du genre, conjuguée à l’attitude essentialiste d’une grande partie de la population, qui fait coïncider le genre et le sexe, explique par exemple les polémiques autour de la chanteuse étasunienne Lady Gaga.
Ne pouvant pas concevoir l’existence d’une telle femme, sortant des stéréotypes liés au caractère et à l’apparence physique, des nombreux commentateurs se sont empressés de jaser sur l’”essence” même de Gaga, jusqu’à l’interview ici à coté où une journaliste lui a demandé si elle ne serait par hasard un homme (!).
Afin que la distinction entre hommes et femmes perde son caractère stigmatisant, pour se réduire à une classification autant ininfluente que celle entre “noirauds” et “châtains”, (ou “aux yeux verts” vs. “aux yeux bleus”), beaucoup de travail reste donc à faire, non seulement avec les adultes (médias, livres, politique….) mais aussi et surtout avec les jeunes (il est grave et révoltant qu’on puisse sortir de l’école obligatoire sans aucune formation en ce sens!). C’est seulement de cette manière, je crois, qu’on pourra influer sur les convictions et les attitudes des individus, non seulement dans l’espace public (par exemple pour ce qui est des contrats de travails, ou des quotas dans les CDA), mais aussi dans l’espace privé (où les mentalités ont beaucoup plus d’influence que les réglementations).
L’été a commencé et les vacances s’approchent: quelques enseignants envisageront peut-être d’insérer cette dimension dans leurs cours pour la rentrée?
En attendant, il  vaut mieux réfléchir en écoutant de la bonne musique plutôt qu’en silence. Voici donc ce morceaux des Durutti Column dédié à l’été. Bonne route!


Post scriptum
Le Matin s'est occupé de l'ouvrage de Stéphanie Pahud juste quelques heures après que ce post a été publié; vous pouvez consulter l'article et l'interview à l'auteure ici (merci M. pour l'info! :-) ).







dimanche 5 juin 2011

La nutrigénomique dans notre assiette

Revue de: Wahli, W. et Constantin, N. (2011) La nutrigénomique dans votre assiette: “Les gènes ont aussi leur part du gâteau…. Bruxelles: De Boeck, 212 pp.


Depuis l’antiquité, on connait l’importance de la nourriture sur l’organisme humain et sa santé; au fil des siècles différentes théories à ce propos se sont succédées, jusqu’au fameux dicton “Dis-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es” du savoyard Anthelme Brillat-Savarin (Physiologie du goût), qui remonte au XIXe siècle.

Au cours du XXe siècle des nombreuse théories plus ou moins fondées sur les bienfaits ou méfaits de certains aliments, régimes ou pratiques se sont développées, proposant tout et n’importe quoi. Ainsi, pendant que les troubles alimentaires faisaient des ravages, le rapport à la nourriture de l’homme contemporain est devenu tellement problématique que certains en sont à s’alimenter par sonde nasale (?! voir 1 et 2) et même une nouvelle maladie s’est développée, l’orthorexie ou “obsession de rectitude alimentaire” (voir 3 et 4).

Bien que je ne sois pas orthorexique, je reste quand même concernée par la qualité de ce que je mange et les effets que cela pourrait avoir sur mon bien-être. Quand j’ai appris la publication du dernier ouvrage du professeur Walter Wahli et de Nathalie Constantin, “La nutrigénomique dans votre assiette: “Les gènes ont aussi leur part du gâteau…”, donc, je ne pouvais pas rester indifférente et je l’ai acheté dès qu’il est arrivé chez Payot.

Il s’agit d’un texte de vulgarisation pas trop long (200 pages environ) qui, en sept chapitres riches en images et en exemples, s’attache à expliquer (même aux moins doués en chimie et biologie) comment marchent les cellules, qu’est-ce que c’est qu’un brin d’ADN ou d’ARNm et, surtout, quelle est leur relation avec la nourriture et quel est le rôle de la nutrigénomique en tout ça.

Après un 1er chapitre qui dresse une courte histoire de l’alimentation, dans le 2ème chapitre de l’ouvrage Wahli et Costantin nous expliquent que la nutrigénomique est une science récente (elle est apparue dans la littérature en 2002) et elle peut être définie comme la discipline qui “étudie les effets des nutriments sur le génome dans son entier et sur les changements métaboliques qui en découlent, y compris leur impact sur la santé” (p. 33).

En effet, dans le 3ème chapitre nous apprenons que non seulement nos gènes et leurs variations (par exemples les SNPs) influencent la façon dont nous réagissons à certains types d’aliments, mais l’inverse est aussi vrai. Plus précisément, certaines substances contenues dans les aliments peuvent contrôler l’expression des gènes (même sans en modifier la structure). En plus, ils peuvent modifier la “forme” des histones (qui sont les structures sur lesquelles les brins d’ADN s’enroulent) et en dernière instance aussi la forme de l’ADN, influençant par exemple l’expression de certains gènes. Enfin, l’absorption ou pas de certains micronutriments a une influence sur la capacité des cellules de lutter contre des éléments induisant des modifications du génome (voir par exemple 5). Ce dernier phénomène est tellement important que les auteurs affirment: “On pense actuellement que les dommages causés au génome suite à des carences ou à des excès de micronutriments sont du même ordre d’importance que les dommages infligés par l’exposition à des radiations UV ou à des substances chimiques carcinogènes” (p. 75).

Dans le chapitre 4, les auteurs nous présentent l’évolution et l’état actuel des technologies qui permettent à la nutrigénomique d’avancer, comme les méthodes de séquençage de l’ADN, les techniques de comparaison d’ADN, les outils de la protéomique et de la métabolomique. Si vous y connaissez déjà quelque chose et PCR ou électrophorèse ont une signification autre que “des mots au son barbare” pour vos oreilles, ce chapitre sera une lecture agréable, puisque il explique très clairement des concepts qui sont parfois difficiles dans les manuels… et si vous n’y connaissez rien, la bonne nouvelle est que, en accord avec l’article 2 de la Charte des droits du lecteur de Daniel Pennac, vous pouvez passer directement au chapitre 5! 

Le chapitre 5 s’intéresse au rôle préventif, diagnostic et thérapeutique de la nutrigénétique et de la nutrigénomique aussi bien pour les particuliers que dans la santé publique. Un concept central, qui revient à plusieurs reprises dans le livre, est l’importance d’élaborer des recommandations nutritionnelles qui ne soient pas trop individualisées, mais communautaires et spécifiques pour certains sous-groupes de la population ayant des caractéristiques similaires. Il est aussi souligné que des bonnes interventions nutrigénomiques doivent se faire en alliance avec les avancées pharmacogénomiques et des actions sur l’environnement des individus et leurs habitudes de vie. Une bonne illustration des applications pratiques de la nutrigénomique est fournie par la dernière section du chapitre, qui traite des personnes âgées et de leurs besoins nutritionnels, qui doivent être considérés ensemble à leurs prises de médicaments et au contexte dans lequel elles vivent.

Le 6ème chapitre présente les enjeux futurs de la nutrigénomique dans l’aide alimentaire et dans le développement de nouvelles espèces végétales. Un rôle essentiel de la nutrigénomique est d’être une discipline pouvant définir des nouveaux principes pour un élevage et une agriculture de qualité (puisque les animaux et les plantes seraient nourris en fonction de leur génome).Un autre aspect pris en considération est l’application de la nutrigénomique dans le secteur de la industrie agroalimentaire, par exemple comme innovation permettant l’accès à des vastes part de marché. En effet, bien avant la nutrigénomique, dans les années 1920 les avancées en sciences de la nutrition et en sciences et technologies alimentaires avaient permis l’introduction du sel iodé, suivi de nos jours par les pommes de terre au sélénium et beaucoup d’autres aliments “fortifiés” – pour une liste voir ici

Enfin, le 7ème et dernier chapitre illustre les principaux enjeux bioéthiques et les problématiques sociales mis en avant par les avancées dans le champ de la nutrigénomique, comme par exemple la gestion des données génétiques étudiées (surtout en cas d’utilisation de la part de cabinets privés), la possibilité de conduire des tests à grande échelle, la réglementation du marché des tests génétiques, les droits des patients et le potentiel passage d’une responsabilité sanitaire sociale à une responsabilité sanitaire individuelle (cf. 6).

Ce dernier chapitre est suivi par les conclusions, qui rappellent que l’alimentation n’est qu’un parmi les éléments constitutifs du bien-être et qui identifient en l’interdisciplinarité un atout majeur de cette discipline.
En conclusion, il s’agit d’un ouvrage bien écrit et très clair, qui présente ses arguments de manière très pédagogique et pas du tout dogmatique. Tout un domaine du savoir est expliqué point par point, brique après brique et ceci a le mérite de rendre les connaissances actuelles sur l’alimentation accessibles à tout le monde, même à tous ceux qui ne sont pas des professionnelles. La mission de ce livre de vulgarisation est accomplie!
Je vous conseille donc la lecture de cet ouvrage, qui non seulement vous permettra de connaître une discipline nouvelle et passionnante, mais rafraichira aussi vos connaissances sur l’ADN, l’ARN, les cellules…bref, tous ces petits constituant de nos corps qu’on a un peu tendance à oublier dès qu’on est sorti du lycée (en tout cas, si on n’étudie pas cela par la suite!).

Sur cela, voici comme d’habitude un peu de bonne musique…”alimentaire”: il s’agit de “Savoy Truffle” des Beatles, chanson dédiée par George Harrison à l’addiction aux chocolats de Eric Clapton. Bonne route!

jeudi 2 juin 2011

Fête de la République

Aujourd’hui, pendent qu’en Suisse on fête l’Ascension, en Italie c’est la fête de la République, qui célèbre le referendum avec lequel le italiens ont choisi la République à la place de la monarchie, le 2 juin 1946.
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Victoire de la République en Italie. Italie: Keystone, 1946. Noir et blanc.
Après 65 ans, l’Italie, bien que remplie de retraités, reste une république jeune, avec un système politique encore en phase de stabilisation et, à tous les niveaux, des dynamiques bien différentes de celles qui avaient été imaginées par les pères de la Constitution entre 1946 et 1948. En effet ce qui a trait à l’Etat fonctionne de manière souvent clanique, avec des services distribués en fonction de l’appartenance politique et selon une logique prébendière…et l’Etat lui-même est parasité par des politiciens qui, pour la plupart, ne sont pas élus démocratiquement mais sélectionnés par leurs partis d’appartenance (voir par exemple 1, 2).
En gros, un citoyen honnête et avec peu de liens à l’intérieur du système des partis et/ou des organisations catholiques (par exemple CL ou l’Opus Dei, qui empiètent largement dans la vie politique) aura non seulement très peu de possibilités de choisir ses représentants, mais il sera aussi très dur pour lui avoir un job bien payé et en plus il devra “bénéficier” d’infrastructures délabrées et services publics mal fonctionnant.

(Cette vidéo est juste un exemple de situation face à laquelle les communs citoyens peuvent se sentir démunis.)
Si la partitocratie italienne existe depuis 65 ans (sinon plus), il est vrai que tout le système a empiré depuis l’arrivée en politique de Silvio Berlusconi (AKA “Mister B”, le “psycho-nain” ou le “pédo-nain”) et l’instauration du “berlusconisme” en Italie. Le sujet est trop long pour faire l’objet d’un post, mais vous pouvez vous renseigner largement sur le net, par exemple en regardant le documentaire “The Berlusconi Show”, transmis par la BBC le 24 mars 2010 et disponible sur Youtube (1,2,3,4,5,6).
Malgré les scandales (financiers, judiciaires, sexuels) qui l’ont secoué, les italiens ont continué à voter pour lui et pour son parti pendant une décennie et demie: un phénomène inexplicable et effrayant, probablement partiellement motivé par les discours diffusés sur les télés et les journaux de propriété berlusconienne, mais surtout par le fait que tous les comportements illégaux, anti-communautaires et finalement anti-sociaux (l’exemple typique est l’évasion fiscale, donc le fait de ne pas payer les impôts) ont été légitimés par les membres de son parti et par sa propre histoire personnelle.
L’Italie s’est donc retrouvée divisée en deux parties, au delà de la classique division droite-gauche: le groupe de ceux qui soutenaient Berlusconi et les valeurs de “la loi de la jungle”, où le plus malin triche et les autres paient les pots cassés et le groupe des autres, qui continuaient à accorder une certaine valeur aux concepts d’Etat et de citoyenneté.  Bien évidemment, en un contexte de crise des valeurs, des idéologies et des institutions traditionnelles (au début des années 1990 on a assisté à la dissolution des grands partis de l’après guerre, mais aussi à la crise des idéologies socialistes et communistes et à un effritement progressif du rôle de “guide morale” de l’église catholique), des nombreux italiens ont considéré qu’il valait mieux essayer de sauver sa peau même en laissant couler le bateau et ils se sont vite ralliés du coté des “malins”.
Et voilà expliquée, de manière un peu simpliste, l’épopée de conquête berlusconienne de l’Italie. On pourrait rajouter à cela le rôle ambigu des partis de gauche et d’une partie de l’église catholique, les attaques personnelles aux adversaires politiques, la distribution féodale d’argent et charges publiques aux “amis”, la manipulation des médias et la construction d’une hégémonie basée sur une conception délirante du pouvoir judiciaire, du “communisme” et de la fonction de gouvernement en général. On pourrait rajouter tout cela, mais je ne le ferai pas. Je me contenterai de souligner qu’on a beau sauter d’un bateau qui coule: si on n’a pas de chaloupe cela revient à se noyer plus tôt. Et en effet, si l’Italie était un navire qui prenait de l’eau, avec l’arrivée de “Mister B” au pouvoir elle s’est transformée en un véritable Titanic…et les anciens électeurs de B se retrouvent face à des problèmes bien plus prégnants que se sentir “le plus malin”, comme trouver un travail, payer les factures, devoir sortir de leur poche l’argent pour les craies ou le papier toilette pour l’école (publique) de leurs enfants…
Si des tels soucis avaient été balayés sous le tapis par la propagande des dernières années, ils deviennent à présent des obstacles de taille dans la vie quotidienne de la plupart des italiens. Et ainsi, quand quelqu’un a le courage de les amener sur la place publique, pour en débattre, de moins en moins de monde accepte de se voiler la face. De cette manière, quand des nouveaux visages se sont portés candidats pour les élections administratives quelques semaines en arrière et ils ont recadré le débat sur des sujets comme la légalité, l’honnêteté, les services publics, cela a eu l’effet d’une tornade.
Une avalanche de voix ont plébiscité Pisapia à Milan, De Magistris à Naples, Zedda à Cagliari et beaucoup d’autres dans les villes plus petites: des visages nouveaux, externes aux partis et qui ne sont pas des politiciens professionnels. Ils sont arrivés au bon moment et avec les bons arguments et à ce moment précis le pays a commencé à comprendre que le roi est nu.
Le parti de B, donc, s’effondre sur lui même, tel un château de cartes et ce ne serait pas étonnant que dans quelques mois quelques uns se demandent comme il a fait pour tenir si longtemps. Entretemps l’opposition (Partito Democratico, équivalent du français PS) reste liquéfiée, incapable de choisir entre une alliance avec les catholiques qui la rendrait boiteuse et incapable de s’exprimer sur nombre de sujets (FIV, euthanasie, lutte à la discrimination, PACS etc.) et une alliance avec la véritable gauche (représentée par Vendola du SEL-Gauche Et Liberté et Di Pietro de l’IDV-Italie Des Valeurs) qui serait mal-vue par les catholiques intégristes. Voici un autre paradoxe de la partitocratie à l’italienne: une classe politique tellement lointaine du pays réel qu’elle surestime largement la part de la religion dans les choix de l’électorat et ce-faisant perd des voix et en plus nuit à la création d’un véritable Etat laïque.
En attendant que l’opposition se réveille et en espérant que les citoyens italiens n’arrêtent pas le mouvement de renouvellement qu’ils ont commencé, la prochaine étape est le referendum national contre le nucléaire le 12 et 13 juin prochains. Ce sera aussi l’occasion pour se prononcer sur la privatisation de l’eau et sur l’”empêchement légitime” (c’est à dire la loi faite pour que B ne soit pas jugé pour ses crimes). A ce moment là on pourra voir si effectivement le pays a commencé un changement ou si le “pédo-nain” et sa compagnie réussiront à nouveau à se tirer d’affaire.
Pour l’instant, contentons nous de fêter le résultat des administratives, l’ascension et la fête de la République avec ces deux chansons. La première est un classique des Rolling Stones rendu à nouveau populaire par la pub de “Bleu de Chanel” et la deuxième est un morceau de Rino Gaetano, chanteur italien mort exactement trente ans en arrière. Bonne route!