Compte rendu de: Di Méo, G. (2011) Les murs invisibles: Femmes, genre et géographie sociale. Paris: Armand Colin, 344 pp.
Vacances terminées et rentrée aux portes, il faut se remettre au travail et aux occupations moins frivoles qui vont avec. C’est ainsi que j’ai mené la lecture du dernier ouvrage de Guy Di Méo, un intéressant essai sur la géographie des femmes (geography of women) dans l’agglomération bordelaise.
Partant d’une conception du genre qui se veut post-moderne et inspirée de la théorie queer, l’auteur vise l’explication de ce qu’il appelle des “murs invisibles”, c’est à dire des frontières délimitant (et de ce fait séparant) des endroits que les femmes ne fréquentent pas ou fréquentent peu, au gré de leurs appréciations et de leurs besoins. Ainsi, certains espaces seraient évités par les dames en raison d’une insécurité perçue et de l’éloignement du domicile familial…ce qui permettrait de déceler des signes d’une domination patriarcale sur des femmes pas tout à fait libres dans leurs mouvements (qu’elles en soient conscientes ou pas).
Basé sur presque soixante interviews de femmes adultes de toutes les âges habitant dans différents quartiers de la ville de Bordeaux, cet ouvrage retrace leurs mouvements et leurs perceptions de la ville. La structure du livre se divise en six parties:
En revanche, d’autres éléments de cet ouvrage sont moins convaincants et laissent un peu perplexe.
Mise à part la normativité implicite dans l’assimilation d’une mobilité limitée et d’une domination, le nœud central est la conception du genre qui est proposée. En effet, malgré le soutien explicite vis-à-vis des approches (de)constructivistes et queer en particulier, dans les faits des nombreux passages du texte laissent apercevoir une posture beaucoup plus mitigée, voire presque essentialiste. Par exemple le genre se confond à plusieurs reprises avec les caractéristiques et préférences associées aux femmes, comme si elles étaient innées (cf. les conclusions du bouquin). De plus, les actions des femmes sont présentées en mettant en relation leur capacité de s’approprier l’espace avec leurs multiples capitaux, mais leurs rôles de genre (i.e. faire les courses, s’occuper des enfants de manière exclusive) ne sont ni discutés ni critiqués. De ce fait, puisque les rôles de genre ne sont pas spécialement remis en question, ils sont dépeints dans une perspective sexuelle plutôt que de genre. En outre, les acteurs masculins ne sont pas interviewés, leurs pratiques ne sont pas interrogées ni même citées…On n’a donc aucune preuve que les pratiques urbaines masculines et féminines soient différentes (!), alors que la dimension “genre” devrait apparaître justement dans la confrontation entre des pratiques diverses voire contradictoires.
En général, les femmes sont “victimisées” et dépeintes comme écrasées par une domination patriarcale qui n’est ni définie, ni décrite, ni véritablement expliquée. De cette manière, l’évolution vers une identité "queer” semble aller de pair avec le passage d’”objet” à “sujet”, alors que la dimension volontaire et individuelle des actions humaines existe depuis la nuit de temps (tout individu ayant une marge de manœuvre, ce qui peut être décelé même dans les histoires de vie remontant au début du siècle et présentées dans l’introduction du livre). Les composantes socio-économiques des dynamiques spatiales des femmes sont partiellement évacuées, bien qu’elles soient parfois mentionnées. Ainsi, si on cite l’exemple de femmes peu mobiles à cause de leur manque de moyens (mais il n’est pas expliqué en quoi ceci serait différent du cas des hommes démunis), on préconise comme solution le fait que les femmes adoptent une identité queer! Toute analyse des causes de la pauvreté est effacée et ainsi les femmes apparaissent comme (seules) responsables de leur sort. En effet on a l’impression que les équations “identité féminine = passivité” et “identité queer = pro-activité” tiennent…et que les “victimes de la patriarchie” ne soient pas mobiles car “femmes = immobiles, domestiques, peureuses…”. Ceci, uni au fait que les actions des femmes sont analysées en vase clos (en excluant leurs familles, généralement hérétonormés, et surtout leurs compagnons) permet d’une part de ne pas abordés les rôles traditionnels de manière critique, et d’autre part d’éviter de remettre en question les politiques urbaines et sociales (qui peuvent aussi avoir des influences biaisées sur la vie des individus en fonction de leur genre).
En somme, il s’agit d’un essai intéressant, qui fournit une bonne représentation des pratiques urbaines des bordelaises contemporaines, mais qui ne réussit pas à démontrer l’existence de différences basées sur le genre, ni à en donner des explications convaincantes. De plus, on est un peu déçu de ne pas retrouver une critique fondamentale des constructions traditionnelles de genre, ni des politiques qui les accompagnent: dommage!
Si vous voulez en savoir plus sur ce bouquin, deux autres comptes rendus sont disponibles en ligne ici et ici.
Pour terminer tout de même avec un peu de critique féministe, voici la chanson “Typical girls” des britanniques “The Slits”. Bonne route!
Vacances terminées et rentrée aux portes, il faut se remettre au travail et aux occupations moins frivoles qui vont avec. C’est ainsi que j’ai mené la lecture du dernier ouvrage de Guy Di Méo, un intéressant essai sur la géographie des femmes (geography of women) dans l’agglomération bordelaise.
Partant d’une conception du genre qui se veut post-moderne et inspirée de la théorie queer, l’auteur vise l’explication de ce qu’il appelle des “murs invisibles”, c’est à dire des frontières délimitant (et de ce fait séparant) des endroits que les femmes ne fréquentent pas ou fréquentent peu, au gré de leurs appréciations et de leurs besoins. Ainsi, certains espaces seraient évités par les dames en raison d’une insécurité perçue et de l’éloignement du domicile familial…ce qui permettrait de déceler des signes d’une domination patriarcale sur des femmes pas tout à fait libres dans leurs mouvements (qu’elles en soient conscientes ou pas).
Basé sur presque soixante interviews de femmes adultes de toutes les âges habitant dans différents quartiers de la ville de Bordeaux, cet ouvrage retrace leurs mouvements et leurs perceptions de la ville. La structure du livre se divise en six parties:
- une introduction, contenant un mea culpa de l’auteur pour avoir ignoré la dimension de genre dans ses travaux précédents, les objectifs de la recherche et trois portraits de femmes de la famille de l’auteur;
- une section théorique et méthodologique;
- un chapitre s’intéressant à des femmes ayant des mouvements très réduits (autour de leur domicile familial) ou très étendus (dans toute l’agglomération voire au delà);
- une partie consacrée à des femmes aux rapports plus équilibrés avec l’espace urbain (mouvements ni trop réduits ni trop étendus);
- un chapitre dédié aux perceptions et sentiments des femmes vis-à-vis les différents espaces urbains;
- les conclusions.
En revanche, d’autres éléments de cet ouvrage sont moins convaincants et laissent un peu perplexe.
Mise à part la normativité implicite dans l’assimilation d’une mobilité limitée et d’une domination, le nœud central est la conception du genre qui est proposée. En effet, malgré le soutien explicite vis-à-vis des approches (de)constructivistes et queer en particulier, dans les faits des nombreux passages du texte laissent apercevoir une posture beaucoup plus mitigée, voire presque essentialiste. Par exemple le genre se confond à plusieurs reprises avec les caractéristiques et préférences associées aux femmes, comme si elles étaient innées (cf. les conclusions du bouquin). De plus, les actions des femmes sont présentées en mettant en relation leur capacité de s’approprier l’espace avec leurs multiples capitaux, mais leurs rôles de genre (i.e. faire les courses, s’occuper des enfants de manière exclusive) ne sont ni discutés ni critiqués. De ce fait, puisque les rôles de genre ne sont pas spécialement remis en question, ils sont dépeints dans une perspective sexuelle plutôt que de genre. En outre, les acteurs masculins ne sont pas interviewés, leurs pratiques ne sont pas interrogées ni même citées…On n’a donc aucune preuve que les pratiques urbaines masculines et féminines soient différentes (!), alors que la dimension “genre” devrait apparaître justement dans la confrontation entre des pratiques diverses voire contradictoires.
En général, les femmes sont “victimisées” et dépeintes comme écrasées par une domination patriarcale qui n’est ni définie, ni décrite, ni véritablement expliquée. De cette manière, l’évolution vers une identité "queer” semble aller de pair avec le passage d’”objet” à “sujet”, alors que la dimension volontaire et individuelle des actions humaines existe depuis la nuit de temps (tout individu ayant une marge de manœuvre, ce qui peut être décelé même dans les histoires de vie remontant au début du siècle et présentées dans l’introduction du livre). Les composantes socio-économiques des dynamiques spatiales des femmes sont partiellement évacuées, bien qu’elles soient parfois mentionnées. Ainsi, si on cite l’exemple de femmes peu mobiles à cause de leur manque de moyens (mais il n’est pas expliqué en quoi ceci serait différent du cas des hommes démunis), on préconise comme solution le fait que les femmes adoptent une identité queer! Toute analyse des causes de la pauvreté est effacée et ainsi les femmes apparaissent comme (seules) responsables de leur sort. En effet on a l’impression que les équations “identité féminine = passivité” et “identité queer = pro-activité” tiennent…et que les “victimes de la patriarchie” ne soient pas mobiles car “femmes = immobiles, domestiques, peureuses…”. Ceci, uni au fait que les actions des femmes sont analysées en vase clos (en excluant leurs familles, généralement hérétonormés, et surtout leurs compagnons) permet d’une part de ne pas abordés les rôles traditionnels de manière critique, et d’autre part d’éviter de remettre en question les politiques urbaines et sociales (qui peuvent aussi avoir des influences biaisées sur la vie des individus en fonction de leur genre).
En somme, il s’agit d’un essai intéressant, qui fournit une bonne représentation des pratiques urbaines des bordelaises contemporaines, mais qui ne réussit pas à démontrer l’existence de différences basées sur le genre, ni à en donner des explications convaincantes. De plus, on est un peu déçu de ne pas retrouver une critique fondamentale des constructions traditionnelles de genre, ni des politiques qui les accompagnent: dommage!
Si vous voulez en savoir plus sur ce bouquin, deux autres comptes rendus sont disponibles en ligne ici et ici.
Pour terminer tout de même avec un peu de critique féministe, voici la chanson “Typical girls” des britanniques “The Slits”. Bonne route!
Ciao Paola, trovo il tuo articolo troppo "arzigogolato" per me, per cui stavolta non mi sento di commentarlo. La canzone è carina, anche se forse un pò esagerata, quasi come quegli ambientalisti che descrivevi tempo fa. Alla prossima, ciao un abbraccio.
RépondreSupprimerCiao,
RépondreSupprimernon capisco in che cosa il mio articolo è "arzigogolato" come dici tu. Forse non conosci bene gli studi di genere, e in questo caso ti consiglio di leggere l'articolo di wikipedia che ne parla http://it.wikipedia.org/wiki/Studi_di_genere
Inoltre anche la canzone non mi pare esagerata, è una critica di costume, quindi è chiaro che sia sarcastica e che debba essere presa come un'antrifrasi, visto che rimette in discussione i pregiudizi e i preconcetti di genere.
Infine, rivenendo al paragone ecologista, certi ambientalisti sono senza dubbio esagerati perchè non si può cambiare sistema dall'oggi al domani...Ma ciò non toglie che ciascuno può cominciare a cambiare le cose nel suo piccolo, prendendo meno la macchina o consumando meno elettricità! Per il genere è la stessa cosa: chiaramente non si può esigere che un sistema millenario cambi dall'oggi al domani, ma non è negando l'esistenza dei problemi che si avanza ;) Un abbracio anche a te.
Paola
Ho letto l'articolo che mi hai consigliato ma non riesco a "entrare" nel problema, non capisco neanche dove sta, ecco perchè ho usato il termine "arzigogolato", ma ciò non vuol dir niente , ognuno ha il suo "sentire" e il fatto che io non senta il problema non vuol dire che non lo senta tu o altri.Per questo capisco ancor meno la tua frase "non è negando i problemi che si avanza" ...io non so dove vorrei avanzare, non saprei qual'è la meta. Non mi sento di essere stata diciamo "condizionata" da niente e da nessuno per i miei "comportamenti di genere", o se alcuni me li hanno "dettati o imposti da piccola" quando ho potuto ho fatto ciò che ho voluto, e siccome credo che questa libertà comportamentale è dato a tutti di raggiungerla (anche perchè a poco possono le costrizioni, anzi incitano a fare il contrario!), poco capisco tutti gli studi che ci si fanno attorno.
RépondreSupprimerMa se li fanno è pur vero che il problema esiste e riguarda un pò di persone...
Bò, restiamo che non ci capisco nulla..., ciao bacioni